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Interview : Olivier Speltens après l’Afrique et l’Allemagne part dans le Pacifique à la rencontre des pilotes japonais

Olivier Speltens s’est imposé avec deux séries, L’Armée de l’Ombre et Afrikakorps, comme l’un des meilleurs spécialistes en BD qui traitent de la seconde guerre mondiale sur le front occidental. On n’oublie pas toutefois le très regretté Michel Koeniguer dont le Berlin sera notre tombeau restera un grand moment de narration historique sur un sujet difficile. Olivier Speltens a bien voulu faire un point d’étape et dévoiler que sa prochaine destination sera la guerre du Pacifique au sein même d’une escadrille de l’aéronavale japonaise. Il a raconté à Ligne Claire comment il avait ce choix et a dévoilé sa passion pour l’aviation. Propos recueillis par Jean-Laurent TRUC. (Merci à Olivier pour ces dessins préparatoires ©).

Olivier Speltens. Paquet ©

Olivier Speltens, la boucle est fermée avec tes deux séries. Revenons un peu sur elles, Afrikakorps et l’Armée de l’ombre. On peut dire que c’est terminé avec cette période, la seconde guerre mondiale à l’Ouest, ou tu vas poursuivre dans le même genre ?

Ce n’est pas encore fini car ce qui m’intéresse est de travailler sur les ennemis et là je me dirige vers le Pacifique et les Japonais.

Le Japon avec la guerre terrestre ?

Non le Japon et la guerre aéronavale.

On est un peu sur le même créneau que Romain Hugault et vous avez en plus le même éditeur.

Je lui en ai parlé. Cela l’aurait bien intéressé effectivement mais on est entre spécialistes. Donc tout va bien.

Il n’y aurait pas eu d’autres sujets sur le front européen qui aurait pu te tenter ?

Si, bien sûr. Cette guerre sur le front européen est vaste et permet de trouver des scénarios mais j’ai encore le temps. J’avais envie de travailler une histoire d’aviation et comme le côté japonais n’a jamais été fait si ce n’est en manga le choix s’est imposé à moi.

Aviation, aéronavale, Japon, on part de Pearl Harbor en 1941 ?

Je vais essayer de parcourir le front du Pacifique dans sa totalité de 1942 à 45 sans pour autant parler de Pearl Harbor que l’on connait déjà bien. Il y a eu l’attaque sur les colonies occidentales d’Asie et c’est sur ce sujet que le premier album va se baser.

Il y aura un héros qui sera un pilote japonais ? Ou plusieurs comme dans tes autres albums ?

Plusieurs pilotes, mais dans le premier album je me concentrerai sur un personnage principal. Dans les suivants, il y aurait trois tomes, je passerai ensuite à ses camarades dans le tome 2.

En fait tu vas couvrir les grandes batailles du Pacifique comme Midway ?

Si c’est crédible dans le cadre de l’endroit où se bat l’unité ou de l’escadrille du pilote que je traite, je le ferai. Mais si elle n’a rien à faire dans ce coin-là, non. J’essaye de coller à la réalité. J’aborderai le sujet toutefois car Midway a été très important dans le déroulé de la guerre.

Il y a des avions déjà dans tes deux séries mais là on sera dans une BD aéronautique pure et dure.

La plupart du temps tout sera vu du ciel. Peut-être des planches au sol à Guadalcanal ou Iwo Jima. Mais ce sera surtout la vision aérienne de ces batailles. L’aviation c’est mon premier amour. Quand j’ai commencé chez Paquet, Romain Hugault était déjà dans les airs et je n’ai pas voulu empiéter sur son territoire. Donc j’ai fait des histoires terrestres mais l’aviation reste ma passion et j’ai mis des avions dans tout mes albums.

Des Zéro pour la nouvelle série

Pilotes de chasse dans le Pacifique sur Zéro ? La documentation est plus compliquée que pour l’Europe ?

Oui, c’est du Zéro, le principal avion japonais. La documentation est effectivement plus difficile. On n’a pas beaucoup de témoignages du coté japonais. Pour ce qui est matériel aéronautique en général ça va. Le Zéro est mythique mais pour un char japonais c’est plus compliqué comme pour les insignes, les badges.

Quel titre aura cette série ?

Rien de définitif. Quand on en parle on dit Pacifique mais c’est provisoire.

On est sur le même schéma que les albums précédents ? Nombre de pages, d’albums ?

Ce sera exactement pareil. Tome 1 classique plus un tirage dos toilé, avec un cahier puis un coffret des trois tomes.

Quand tu dessine avant de commencer c’est totalement écrit ?

Le synopsis fait une page, je développe ensuite mais comme je suis scénariste et dessinateur le storyboard est capital. Il doit être le plus complet possible. Cela fait office de scénario. Cela me permet une fois le synopsis enrichi de passer à la planche finale. J’ai la doc bien sûr avant et je mets en fait le synopsis au propre sur un format de 46 par 35. Le tout en traditionnel total. L’ordinateur me permet de traiter ensuite des détails très petits. Les couleurs sont sur Photoshop. Une planche me demande une semaine de travail environ.

Tes deux séries, Afrikakorps et L’Armée de l’ombre ont été menées en parallèles ?

Non, cela ne se chevauchait pas. C’est impossible. Je mets un an pour faire un album et je n’ai pas de scénariste. J’ai embrayé sur Afrikakorps quand l’Armée de l’ombre a été finie. Aujourd’hui je suis totalement dans le Pacifique avec les premières planches du storyboard. J’ai fait déjà quelques recherches de personnages que je t’enverrai.

Pas d’idée je présume après Pacifique ?

Si, il y en a plein qui me travaillent. J’ai envie de me diriger vers la Kriegsmarine, la Bataille d’Angleterre du côté allemand. J’essaye de rester du côté des méchants avec doigté, honnêteté, vérité historique.

Stuka et Afrikakorps

C’est vrai que c’est un problème d’objectivité historique. Cela a été moins compliqué avec Afrikakorps car dans le désert il n’y a pas eu d’ exactions. Rommel y a veillé. Pour l’Armée de l’ombre c’est autre chose.

Rommel a toujours été correct, il acceptait les évasions anglaises sans punitions. Contrairement à ce qui s’est passé en Allemagne avec l’évasion massive d’un camp, Sagan, des pilotes alliés dont bon nombre on était fusillés en représailles. On se souvient du film La Grande Évasion. Pour L’Armée de l’ombre, cela a été très compliqué. Il fallait bien faire comprendre qu’en aucun cas cela ne pouvait être un plaidoyer pour l’armée allemande. C’est l’histoire de deux soldats sous l’uniforme allemand qui jeunes pouvaient avoir été fanatisés et qui se retrouvent au front dans une guerre atroce.

Le paradoxe avec le Japon c’est qu’il n’a pas été puni comme l’Allemagne pour des raisons politiques. Les Américains y voyaient un allié potentiel contre la Chine et l’URSS. Tu vas réussir à l’inclure ?

Je vais essayer de le faire comprendre mais le régime japonais n’avait rien à envier au nazisme. Parler d’un pilote peut décaler le problème. Mais je n’occulterais rien bien sûr. A voir à la sortie, dans un an minimum.

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