Olivier Dauger était de passage en dédicace à Montpellier à la librairie Azimuts. Il vient de sortir le premier tome de Tuskegee Ghost qui se démarque de ses albums précédents même si on y parle d’avions et de guerre. Dauger a fait évoluer son style de belle façon. Avec Ligne Claire il revient sur la conception de cet album dont le tome 2 sortira avant l’été prochain et sur un projet qui serait, si c’est possible en fonction des droits, l’adaptation d’un roman anglais qui se passe en 1944. Propos recueillis par Jean-Laurent TRUC. Un grand merci à Olivier Dauger pour ces illustrations inédites dont deux du prochain tome 2 de Tuskegee Ghost (Olivier Dauger / Paquet ©).
Olivier Dauger, quelle est la genèse de l’album, qui est à l’origine de Tuskegee Ghost ? Le scénariste, l’éditeur ?
Je connais Benjamin Von Eckartsberg (Gung ho) depuis longtemps. On a le même éditeur mais sans plus. On n’était pas vraiment proche. L’histoire vient en fait de moi au départ. Je l’ai écrite sur un coup de tête, un pilote poursuivi par ses cauchemars de guerre. Il est noir américain et formé à Tuskegee. J’ai écrit un synopsis que j’ai envoyé à Paquet. C’était une histoire d’aviation mais pas trop guerrière, pas que du combat aérien. Car si on ne fait que ça dans un album on ne s’adresse qu’aux aficionados du genre et on se coupe du lectorat généraliste dont j’avais envie de me rapprocher. Je voulais écrire le scénario mais j’étais très pris par un Miss Marple. Pierre Paquet en a parlé à Benjamin Von Eckartsberg qui s’est documenté sur le sujet et il s’est pris au jeu.
Tu avais déjà assemblé une doc ?
Je connaissais un peu le sujet. J’ai vu les deux films US qui en parle. Cela n’avait pas été traité en BD au moment où j’ai eu l’idée. Entre temps il y a eu Liberty Bessie (Vents d’Ouest) mais le fond n’est pas le même. Du coup Benjamin a écrit un scénario en deux tomes. Il a écrit la totalité du premier et me l’a envoyé. Très sympa, des personnages riches, le projet est parti comme ça. Ensuite il y avait un côté que je tenais à développer, le choc post-traumatique des combattants. Il y a un documentaire américain, The War qui traite des vétérans partis en Europe. Dans leurs témoignages dont un pilote ils revivaient leurs combats après la guerre et là il ne fallait pas les approcher. Un autre pilote continuait à faire des cauchemars bien longtemps après la fin de la guerre.
Il y a une évolution de ton style dans Tuskegee Ghost.
Quand on a attaqué l’album, comme il était moins historique que ce que j’avais fait avant en aviation, plus familial, avec le directeur des éditions Paquet on s’est dit que je pouvais changer quelque chose. Mais quoi ? Le style en fait pour avoir envie de me remettre à ma table à dessin. J’étais aussi parti sur du noir et blanc. J’ai fait des essais. Je fais pas mal d’affiches toutes en aplat et il m’a dit pourquoi pas se servir de cette technique. Ça a marché.
Comment tu travailles techniquement maintenant ?
Presque tout à l’ordi, le story-board a été fait par Benjamin qui a une vision très cinématographique avec des dialogues qui se chevauchent. J’ai un crayonné très rapide et ensuite sur l’ordi, 85% environ, pas de cerné noir. Je peux plus me permettre de jouer avec la lumière mais sans trop tomber dans l’excès réaliste.
Il y a aussi le racisme, les années 60.
Oui la ségrégation est un des thèmes de l’album, officielle dans l’armée jusqu’en 1947. Les Noirs sont dans unités de soutien loin des combats pendant la guerre. On ne leur fait pas confiance alors que pourtant il y aura une unité d’Américains d’origine japonaise en première ligne. Et leurs familles enfermées dans des camps aux USA.
Il y aura donc deux albums au total ?
Oui et le second avant l’été prochain. Je ne sais pas encore si je vais continuer provisoirement l’adaptation de Miss Marple. Là je me suis fait plaisir, j’aime me documenter pour ce type de sujet. Benjamin travaille d’une façon étonnante. Il fait des bandes comme un écran de cinéma et la recopie ensuite sur la page. Donc des cases larges. Il a fallu un peu rectifier le tir.
Cet album répondait à plusieurs envies, scénario, graphisme.
Oui une évolution sur ces plans-là. Je n’avais pas envie de refaire cinq planches de combats aériens à la suite.
Mais avec l’ordi pas de planches originales ?
Non je peins en fait si je veux vendre ou exposer avec les peintres de l’Air. Je fais aussi des dessins sur commande.
Et après ?
Il y a aussi Miss Marple avec Ziegler qui veut continuer mais je peux passer la main pour un temps car j’ai le tome 2 de Tuskegee Ghost à faire. On a aussi dans l’idée d’adapter un roman anglais même époque qui parle d’aviation en 44. Des Américains, des jeunes pilotes et leurs rapports avec la population, des vétérans de 30 ans et des veuves de 25. Il faudra déjà avoir les droits du bouquin. Il y aurait un gros travail d’adaptation. Donc si on peut j’enchaîne avec ça. Je te le confirmerai si ça se fait.
Il y aurait d’autres thèmes, sujets que tu voudrais aborder ?
Pas un western (rires). Tout le monde en fait. En aviation je connais bien le thème. Sinon on verra avec Dominique Ziegler qui écrit beaucoup sur plein de sujets hormis Marple. S’il a une bonne idée pourquoi pas.
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