Un manga qui permet une vraie approche de ce qu’est le Japon séculaire. Empereur du Japon retrace la vie d’Hirohito. C’est lui qui sera à la tête du pays tout au long des guerres en Asie, en Chine, puis dans le Pacifique contre des États-Unis après Pearl Harbor en 1941. C’est lui encore qui restera sur le trône après Hiroshima et la capitulation japonaise en 1945. Une biographie en tout point édifiante, riche appuyée sur un dessin fin, réaliste, de Junichi Nōjō. Issei Eifuku est au scénario. L’idée originale est de Kazutoshi Hando. On appréhende mieux ce qu’est non seulement le Japon traditionnel (et encore) mais aussi la confusion, en une seule entité, du peuple et de son souverain issu d’une lignée jamais interrompue et divine. Les Américains, sur les conseils judicieux du général MacArthur, un des vainqueurs du Pacifique, avaient compris que destituer Hirohito serait une catastrophe politique, économique, morale et historique, ingérable. L’avenir, pour une fois, leur a donné raison. C’est son petit-fils qui vient d’être sacré dernièrement empereur de l’empire du Soleil Levant.
En 1945, le Japon est battu, envahi par les troupes US. L’empereur Hiro-Hito revendique toute la responsabilité des actes commis par le Japon même si c’est Hideki Tōjō qui a vraiment dirigé le pays. MacArthur reste subjugué par le personnage qu’il maintient sur son trône, image incontournable pour un peuple capable de tout en son nom. Mais qui est vraiment Hirohito, né en 1901, élevé dans un cocon, entouré d’une élite intellectuelle, militaire, qui veut le façonner à son destin d’empereur ? C’est une jeune femme qui aura la lourde tâche de gérer ses années d’enfance. Un héritier du trône ne vit pas avec ses parents. Taka Adachi est la nourrice du futur Hirohito, le prince Michi. Elle va réussir à faire passer des principes simples mais juste au petit garçon qui n’a pas de lien avec l’extérieur. Un amiral à la retraite, Nogi, va prendre en main l’école impériale, 500 enfants de la plus haute aristocratie. Michi va rapidement montrer une intelligence où la curiosité va faire bon ménage avec le savoir.
Le parcours d’Hirohito est difficile, car ponctué par des complots de cour, par l’impérialisme japonais, la guerre longue et sanglante contre la Chine, l’invasion de l’Indochine et de l’Extrême-Orient au fil des campagnes ouvertes avant et après Pearl Harbor. Le Japon a failli régner sans partage sur cette partie du monde, archipels d’îles qui avait rejeté toute invasion dont celles des pays européens. Comment comprendre ce que la Japon a fait en particulier pendant la seconde guerre mondiale digne des pires crimes nazis ? Sûrement par la certitude que le Japon et la victoire ne font qu’un, que toute population soumise ou armée battue ne mérite que le mépris et la mort. Cette même mort applicable par ses propres moyens à un sujet de cet empereur vénéré qu’on ne saurait trahir par une défaite.
Mais ce serait trop simple. Avec cette biographie remarquable de Hirohito, à la fois personnage familier et méconnu, on flirte avec le secret des dieux. Sans pour autant le décrypter vraiment. Éducation, tradition, respect, honneur, patrie invincible, et plus encore avec une froideur stupéfiante, le Japon a su préserver son âme encore aujourd’hui malgré son rang de puissance technologie incontournable. C’est aussi la leçon et le constat qu’apporte cette biographie.
Empereur du Japon, Tome 1, L’Histoire de l’empereur Hirohito, Delcourt Tonkam, 7,99 €
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