Avec Il faut flinguer Ramirez, Nicolas Petrimaux a fait carton plein. Un petit bonheur d’humour déjanté, de personnages décalés et hauts en couleur, un polar qui décape et un héros au regard de chien battu dont il vaut mieux se méfier. Qui est Ramirez mais, surtout, qui est Nicolas Petrimaux ? Ramirez est le premier album dont il signe dessin et scénario. Rencontré à Quai des Bulles, Nicolas Petrimaux se découvre. Un peu, puis beaucoup. Sincère, précis, enthousiaste et doué, il faudra trois albums pour qu’on sache tout sur son Ramirez. Mais on en sait déjà plus sur son créateur. La preuve. Propos recueillis par Jean-Laurent TRUC.
Nicolas Petrimaux, question facile, banale même, où l’avez-vous trouvé votre Ramirez ?
Je ne l’ai pas trouvé de suite, et en une seule fois. Il est venu en plusieurs étapes. Au début je voulais que ce soit simplement quelqu’un qui pouvait avoir une double identité. Un type calme à double vie. En le voyant, il fallait qu’on puisse pense qu’il pouvait changer de costume, qu’il portait un masque.
Vous avez construit le personnage au fur et à mesure ?
J’avais une idée de base. Plus je la développais, plus je trouvais d’autres idées amusantes qui venaient s’ajouter. Par exemple, sa spécialité pour les aspirateurs, c’est venu en allant en acheter un.
Et le nom ? Monsieur Ramirez, c’est un peu un personnage traditionnel pied-noir et puis c’est évidemment Jugnot dans Papy fait de la résistance ?
C’est marrant parce que moi j’ai découvert çà il y a peu. J’ai vu le film du Splendid et ça m’a éclaté.
Dans ce premier tome, on a une mise en place, une progression dramatique, un tueur psychopathe. Vous nous baladez complètement.
C’est un peu mon défi. Je ne me considère pas comme scénariste. Aujourd’hui, je serai incapable de faire un scénario solide pour quelqu’un.
Alors comment avez-vous fait pour vous ?
J’ai une méthode de travail disons bordélique (rires), tentaculaire. J’ai une idée de base que j’écris. C’est la direction, mes intentions. Mais la couche supplémentaire, avec plein d’idées qui se connectent de page en page, les références, je la rajoute ensuite.
Il y a un moment où vous devez faire des choix.
Oui, mais je peux recommencer. Je n’écris pas mes dialogues de suite. Je les écris quand je dessine. En fait, j’ai un fil rouge et je travaille par séquence. Quand je trouve de nouvelles idées, je modifie tout et la scène monte progressivement. Elle est définitive quand toutes les scènes sont en place avec une vue d’ensemble. Jusqu’au dernier moment.
Vos influences, on en parlait plus haut, Usual suspect, Tarantino ? Quoi d’autre ?
Breaking bad en série TV. Pour le cinéma, Tony Scott et ses différentes périodes. Imagerie, colorimétrie, il a influencé beaucoup de réalisateurs. Sinon, Edgar Whrigt pour sa réalisation millimétrée avec une mise en scène très drôle. Lui, je pense qu’il s’inscrit dans mes grandes influences de ces dix dernières années. Tarantino, oui. Mes influences sont plus cinéma que BD. La BD j’ai grandi avec. Les séries, j’en consomme peu sauf des classiques comme Mad men. Je ne suis pas trop quelqu’un qui va découvrir des séries.
Qui est vraiment Ramirez ? Tout tourne autour de cette redoutable question ? On va vous attendre au second. C’est angoissant ?
Il y a quiproquo à la fin de l’album et on a envie de savoir bien sûr. Oui, c’est le danger pour le second tome. Mais c’est un coup d’essai. C’est la première fois que je m’écris une histoire. Je vais essayer d’avoir une suite qui me plait, sur la même ligne avec des réponses mais aussi des portes ouvertes vers d’autres mystères. C’est assez classique.
Il va falloir nous étonner après ce succès du tome 1.
Oui, mais je ne peux pas tout balancer d’un coup. Je sais où sont mes ressorts scénaristiques. J’y tiens. Après c’est de la mise en scène et c’est ce que je travaille le plus.
Le contexte, les détails, la couleur ?
La couleur s’impose de façon logique quand tout est préparé en amont. Ce sont des choix pour guider l’œil, appuyer l’émotion. Quand vous parlez de balader le lecteur, c’est de la mise en scène pure. Un peu un tour de magie.
Vous aviez toujours eu envie d’écrire ? Vous étiez un lecteur accro de BD ?
Depuis l’âge de huit ans je veux écrire. Mon père avait une caméra et avec des copains je tournais des films. C’est quoi d’être derrière la caméra ? Comment on fait ? Pour la BD, c’est classique. Boule et Bill, Gaston chez mes grands-parents. Ensuite ado, cela a été l’heroïc-fantasy, un peu de manga. J’ai fait un album chez Soleil. J’avais fait une école d’arts et j’ai eu pas mal de projets refusés. Donc j’ai voulu me diversifier. Il y avait beaucoup de choses qui m’intéressaient, le jeu vidéo, le web design, la pub. J’ai touché à tout.
Vous êtes aujourd’hui sur la trilogie Ramirez. Mais après ? Vous aimeriez écrire ou dessiner pour un autre, ou continuer à faire les deux ?
Non, après Ramirez, je ne tiens pas à faire des albums seul. C’est épuisant. Ce n’est pas mal de faire confiance à quelqu’un. J’ai besoin de souffler, de relâcher la pression. Le dessin me fait vivre depuis 15 ans. Le scénario, c’est nouveau. Je commence et je me créée un challenge.
Quel style de scénario aimeriez-vous dessiner ?
C’est plus la relation avec le scénariste que le sujet qui prime. On est en discussion avec des copains scénaristes. C’est la qualité du dialogue qui s’installe, pour moi inspirante. Si on parle le même langage, cela se passera bien pour le boulot. C’est dans ce sens que j’envisage une collaboration. La Grande Guerre me passionne à titre personnel. Elle m’a plus bouleversée que la seconde guerre mondiale. C’est un lien familial avec mon arrière-grand-père qui l’avait faite, le non-dit, la vie dans les tranchées. Ce n’est pas un sujet marrant. Tardi arrive lui à glisser de l’humour. Il faut des soupapes sur ce genre de thème.
Vous avez fait fort avec Ramirez. C’est déjanté et ça fonctionne bien. Donc vous allez être exigeant avec un scénariste ?
Non. Moi je fais les dialogues qui, je pense, me correspondent. Mais il y a plein de scénaristes très forts et sympas. Je ne me mets pas de pression là-dessus.
Vous avez maîtrisé le scénario pour une première.
Je suis content que vous me le disiez mais jusqu’au moment où ça part chez l’imprimeur je n’en sais en fait rien.
Quand est-ce qu’on saura tout sur Ramirez ?
A l’ultime page du tome 3.
L’ultime page est toujours la suivante, et cela jusqu’à la dernière ?
C’est un peu ça. Je détourne le regard du lecteur. J’ai créé le scénario à la Usual Suspect, où, à la dernière minute, il se passe un truc et à ce moment-là on a envie de revoir le film. Cela me fait très plaisir quand un lecteur me dit qu’il a relu le tome 1 trois fois.
On aime le relire pour décortiquer les dialogues, trouver les clins d’œil. C’est un album à tiroirs ?
Non, à couches (rires). On va aller de surprise en surprise. Sur le tome 2, il y aura l’impact de l’effet de surprise du premier. Pas du jamais vu mais c’est rafraichissant. Mais comment renouveler sans faire un copié-collé ? Un exemple, j’ai revu les deux Maman, j’ai raté l’avion. Le premier me fait toujours le même effet. Génial. Là où ils ont foiré le deux, c’est qu’ils ont refait exactement la même chose. Ils ont tout copié sauf le lieu. Le deux ne s’imposait pas de cette façon. Dans Retour vers le futur, c’était totalement maîtrisé. Il y a une scène dans le même endroit, juste une. Et j’ai adopté cela dans mon script.
Le succès de Ramirez vous a surpris ? Quand on vous rencontre, on se dit que finalement Ramirez vous correspond tout à fait ?
J’ai soufflé parce que j’avais pris des risques pour finir l’album. Financiers (rires). J’ai fait lire l’album au fur et à mesure autour de moi. Et mes amis me disaient comme vous, que l’on me reconnaissait, on me retrouvait dans l’écriture de Ramirez.
Il faut flinguer Ramirez, Tome 1, Glénat, 19,95 €
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