Un exercice de style, une digression dessinée sur la rencontre improbable pour enquête mais argumentée d’un héros de feuilleton, Nick Carter quelque peu oublié, détective américain, et celui qu’on va surnommer la pape du surréalisme, André Breton. En réalité, les surréalistes s’étaient bien entichés au début du XXe siècle de Nick Carter, ou, comme le rappelle David B. dans sa préface, de Fantômas et Judex plus noirs, mystérieux, politiquement subversifs, que le premier. David. B a mis en images une enquête surréaliste et imaginaire qu’il va décliner de façon feuilletonesque en un dessin par page sur un format à l’italienne, souligné par une forte légende. Autant dire que l’œil a du travail, décrypter toute la finesse et la richesse du dessin de David.B bourré de sous-entendus, en y reliant un texte dont il a besoin. Sous peine de décrochage mais l’album mérite cet effort de participation.
Nick Carter se présente. A son tableau de chasse, les pires méchants de la planète. Il s’avoue très ami avec des membres du mouvement surréaliste. Breton l’engage en 1931. Il est dans une mauvaise passe et on lui aurait volé quelque chose de plus ou moins nommable. A Carter de le retrouver. Robert Desnos sera son premier témoin qui a rompu avec Breton pourtant vieux complice de pensée et de combat. Desnos lui répondra en dormant et ses rêves vont suivre Carter. L’ancienne maîtresse de Breton, Nadja, n’est pas joignable, devenu folle mais Carter la retrouve. Elle lui avoue que Breton avait attiré la suspicion de trafiquants de drogue, lui qui pensait avoir trouvé comment faire de l’or. Et voilà qu’un vieil ennemi de Carter apparait, le docteur Quartz. Le détective rejoint son client.
Il vaut mieux soit avoir quelques notions de base sur le surréalisme, soit aller piocher, avant de se plonger dans ce très bel et intelligent album, des informations sur le sujet. C’est simple et sera profitable. Un feuilleton riche et tout autant surréaliste que ses héros, son sujet. Dali et Gala coquine traîtresse, Paul Éluard, Aragon fâché, David B. les a tous pris comme personnages secondaires en réécrivant, entre ses traits, les grandes lignes du surréalisme. Mais qu’a-t-on volé à Breton ? Une balade en noir et blanc que même Frida Kahlo prend en marche. Carter ne s’en laisse pas conter. Le lecteur, oui, et avec plaisir devant un tel imaginaire aux belles références et à l’humour nuancé.
Nick Carter et André Breton, Une enquête surréaliste, Noctambule Soleil, 20,90 €
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