On a pris le temps du recul nécessaire, sans faire de sensationnalisme, pour parler de La Chute parue chez Futuropolis. Pourquoi ? Parce que cette série, dont le premier tome est sorti début mars, est ni plus ni moins qu’un copier-coller sur bien des points, de ce que nous vivons aujourd’hui avec la covid-19. Grandeur nature et sous la plume, le crayon, de l’auteur suisse Jared Muralt. Une épidémie de grippe estivale qui dérape, une famille confrontée au pire dont la mère est infirmière en réanimation meurt, le père qui va tenter de mettre à l’abri ses enfants dans un monde qui implose. Sauf que la parution de La Chute était programmée depuis l’an dernier et que l’album est sorti comme prévu début mars.
Aucun opportunisme de circonstance donc ni de Jared Muralt, ni de son éditeur, un hasard seulement comme parfois le destin sait en faire, un pied de nez ironique qui fait froid dans le dos. Car voici l’article de présentation de la série : « Comment vivre et même juste survivre dans un pays au bord de l’effondrement ? Alors que Liam vient de perdre sa femme, ce père de famille doit affronter un monde en chute libre, secoué par une crise sanitaire, sociale, économique et politique sans précédent ». Difficile de faire mieux ou pire. Bon, au départ on est en Suisse et c’est la canicule qui met à mal l’économie dans le monde entier, l’armée est appelée en renfort pour garantir la sécurité. On vaccine comme on peut alors que deux épidémies de grippe se sont succédées. L’été ne l’arrête pas. Le vaccin ne marche pas vraiment, le virus est devenu ingérable. Seule la femme de Liam, Marie n’a pas été touchée dans un premier temps. Ils ont deux enfants, une ado Sophia et un jeune garçon Max. Liam qui est au chômage et les gosses ont eu la grippe. A l’hôpital où elle est infirmière Marie tombe malade et est mise en quarantaine. Évolution du virus, arrivées en masse de réfugiés malades en Europe, la pandémie est là et tout va déraper. Liam va devoir faire des choix pour sa famille.
Comme le dit Jared Muralt dans l’excellent article de Frédéric Potet dans Le Monde, c’est il y a quatre ans qu’il a écrit ce scénario devenu peu à peu de plus en plus réel. Pour lui une pandémie était la menace la plus plausible et implacable que nous puissions affronter : « la société est attaquée par un virus dont la dangerosité n’est pas comprise dès le début ». Comme celle de la grippe espagnole qui l’a largement inspirée. On est cependant dans un récit post-apocalyptique, de survie d’une minorité qui va s’étendre sur six albums. Reste que La Chute, encore une fois par hasard, est largement prémonitoire et flanque la trouille. La fiction n’en n’est plus une, on la vit dans nos chairs. Il fallait parler de La Chute au demeurant bien ficelé, très efficace mais qui inévitablement dans le contexte actuel met mal à l’aise. Ce qui n’empêchera pas malheureusement des scénaristes de se lancer très vite dans des BD thématiques sur la tragédie du covid. Pas sûr que les lecteurs suivent. J-L. TRUC
La Chute, Tome 1, Futuropolis, 15 €
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