Autant le dire dès le début, Marcel Duchamp est un ré-inventeur de l’art, reconnu comme un des grands du XXe siècle. On le connait avant tout pour ses ready-made, le détournement d’un objet usuel pour en faire une œuvre à part entière. Une manipulation qui a fait la renommée de Duchamp. Dans les Aventures de Munich dans Marcel Duchamp, Roman Muradov accompagne l’artiste dans son séjour bavarois en 1912 et, comme on n’en connait pas grand-chose, il lui invente les détails de son escapade chez son ami Max Bergmann. Dire que Duchamp est un cas à part est d’une rare banalité. On le découvre iconoclaste, prodigieusement intelligent, génial dans sa vision de l’art qui porte les germes du pop-art ou du dadaïsme. Reste que se plonger dans cet album intuitif, pastel, au trait fin et elliptique de Muradov demande de se laisser envoûter, se laisser aller. Alors on peut espérer se rapprocher de Duchamp mais, attention, rien cependant n’est moins sûr. Sortie le 5 juin.
Pourquoi donc Marcel Duchamp a-t-il passé trois mois à Munich été 1912 ? Il fallait chercher, trouver des raisons, des pistes. Bergmann, le peintre des vaches, son ami, l’accueille. La biographie peut commencer mais que s’était-il passé entre son arrivée et son départ de Munich ? Duchamp est connu, un peu, mais a une réputation sulfureuse. Il se mêle aux amis peintres de Bergmann. Leur devise, faites de l’art. Un colossal échec peut promettre une infime chance de succès. Quel est l’ingrédient essentiel à tout véritable artiste ? A chacun de le trouver, il n’y a pas de recette. Des suppositions sur ce qu’aurait pu faire Duchamp, apprendre l’Allemand, écrire un roman, perdre un bras et se faire faire une prothèse. Ce qui permettrait d’accéder à la réalité de l’homme.
Une digression munichoise très poétique, teintée d’un surréalisme évident qui surprend, une mise en scène théâtrale avec ses personnages, ses décors, ses musées (oui il les a visités, une certitude). Surtout ne pas résister, il faut se laisser aller, s’embarquer simplement avec Duchamp et son biographe inventif. Il faut aussi bien s’imprégner des dialogues, rien d’inutile, intimes parfois, qui flottent sur le dessin évaporé qui a un charme fou. Un album intimiste, loufoque mais libre comme Duchamp dont il permet de découvrir, ou au moins de suggérer les facettes d’un talent unique. Un bel album pas facile mais de haut vol.
Les Aventures de Munich dans Marcel Duchamp, Dargaud, 22,50 €
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