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Un Chant de Noël, Munuera revisite Dickens et son Scrooge

Quand on parle d’Un Chant de Noël, le très célèbre conte de Dickens, qu’on y ajoute la mention BD ou dessin animé, on pense le plus souvent à Disney et à Picsou, personnage inspiré par celui de Scrooge de A Christmas Carol. Une adaptation a été faite en dessin animé dans laquelle finalement Ebenezer Picsou jouait son propre rôle. José Luis Munuera vient de publier sa propre version du Chant de Noël très innovante, audacieuse, bourrée de talents et de trouvailles tout en conservant l’originalité du propos, ses variations sur l’égoïsme humain, le bonheur et le courage, les repères sociaux certes du milieu du XIXe siècle en Angleterre mais toujours d’actualité. Munuera a un trait qui se coule parfaitement à la fois dans l’univers de Dickens et dans celui de Disney dont on ne peut s’empêcher de le rapprocher. Un compliment car en prime il a su apporter sa propre sensibilité à sa Scrooge bien campée et tout aussi odieuse mais plus concernée, plus futée que son équivalent masculin.

Le 24 décembre à Londres vers 1840 il neige et Scrooge, prêteuse sur gages richissime et avare se soucie comme une guigne de Noël. Elisabeth Scrooge n’a que mépris pour le genre humain. Elle le revendique et refuse de donner un sou pour les pauvres. Son associé Marley est mort et enterré à peu de frais. Quel intérêt pour un cadavre d’avoir de somptueuses funérailles. Son commis Cratchit voudrait avoir congé le jour de Noël et le passer en famille. Scrooge le lui accorde mais à ses frais. Quant à sa nièce la charmante et amoureuse mais pauvre Frédérique, elle irrite Scrooge en lui souhaitant un joyeux Noël et en l’invitant à déjeuner chez elle. Elisabeth Scrooge est une solitaire pas aimée, qui vit chichement. Le soir de Noël apparait dans sa chambre le fantôme décomposé de Marley qui vient la prévenir. Elle va recevoir la visite des trois esprits de Noël. Si elle suit leurs conseils, elle pourra éviter son sort funeste et l’enfer.

Une sceptique la belle mais pas marrante Scrooge. Elle s’assume c’est déjà ça, n’est pas vraiment effrayé et finalement pense qu’il y a peut-être un coup à jouer à travers ces voyages dans le temps. Une maline admirable en fait et rien à voir avec Ebenezer car elle est une femme qui a réussi à une époque où on les méprise ouvertement. Impossible pour elle de se soumettre, de ne pas exister, se pas se donner un but dans l’existence comme un homme. Tout en assumant ses propres traumatismes d’enfance ou de jeunesse. En cela la mise en perspective du conte de Dickens par Munuera prend une autre dimension. Le dessin est superbe, très expressif sans le moindre excès, les ambiances, les décors sont une fois encore à la hauteur d’un beau long-métrage d’animation. Sa déclinaison de Elisabeth Scrooge au visage très expressif et secret à la fois vaut vraiment qu’on s’y arrête sans hésitation. Sedyas est aux couleurs.

Un Chant de Noël, Une histoire de fantômes, Dargaud, 17 €

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