Gil Jourdan avait un papa. Tout le monde le sait. Libellule et son rire énorme, Crouton et sa moustache, c’était Maurice Tilleux qui leur avait donné vie. Un privé à la Bogart, beau gosse, une BD où l’humour se conjugue à la Audiard, et dans les pages du journal Spirou des années cinquante, soixante. La carrière de Tillieux est un long fleuve qui a bercé des générations de lecteurs.
En écrivant et en dessinant une biographie de Tillieux, Bruno Bazile (pas Brazil !) prenait un risque. Et même deux. D’abord que son M’Sieur Maurice ne trouve écho qu’auprès de lecteurs élevés au biberon des pages Spirou. Ensuite, qu’on crie au crime de lèse-majesté. Dites, un monument faut faire attention. On n’y touche pas impunément et en plus pour faire rire le bon peuple. Erreur car cette vie imaginaire (enfin pas tout) de Maurice Tillieux caché derrière ses lunettes noires et sa cigarette a du chien, du nerf, de la tendresse.
Ah la Dauphine jaune ! Un bonheur de la retrouver au fil des pérégrinations de Tillieux. Il leur donnait vie aux voitures de l’époque. La vie dans le calme (!) d’un dessinateur de BD, l’incompréhension injustifiée d’un éditeur tatillon, le trait de génie qui illumine sa planche à dessin, des histoires courtes pour redécouvrir Tillieux et expliquer comment il a trouvé ses idées de scénario. Et ses ennuis avec les tatillons fonctionnaires l’obligeant à changer le mot cocaïne pour popaïne dans l’un de ses albums les plus connus. Bazile a le coup de crayon qu’il faut, le ton naturel qui ne trahit pas, le respect en plus on le sent. Son Maurice se savoure, avec un petit pincement au cœur.
M’Sieur Maurice et la Dauphine Jaune, Treize Étrange, Glénat, 13,90 €
Articles similaires