Une pépite comme on en découvre parfois, trop rarement, parmi tous les cailloux qui roulent dans les flots de la production littéraire ou BD. Avec Mickey à Gurs, Joël Kotek et notre confrère Didier Pasamonik redonnent vie à Horst Rosenthal. Le nom ne dira rien immédiatement à part à quelques initiés et c’est bien dommage. Mais en découvrant les pages que lui consacrent les deux auteurs et la réédition de ses carnets de dessin, on comprend qu’il fallait ne pas passer à côté du destin et du talent d’un jeune illustrateur mort parce qu’il était Juif en 1942.
Quand on l’emprisonne au camp de Gurs dans le Sud de la France, le jeune Allemand Horst Rosenthal a du se dire qu’il aurait mieux fait d’aller ailleurs que chez nous en fuyant en 1933 les nazis. Car en 1940, l’Etat Français ne fait pas dans la dentelle. On emprisonne les politiques, Allemands, Espagnols ou autres et on les livrera aux Allemands un peu plus tard, Juifs en tête. Les Français ont fermé les yeux, pour la plupart, et collaboré. La France résistante, ce sera ensuite malgré le courage d’une poignée et de la France Libre.
Pour Rosenthal qui a un joli coup de crayon, c’est Mickey qui est au camp de Gurs. Il y dit que quand on est apatride, on n’est plus rien, avec humour et délicatesse, sans violence, avec un trait à la Jeanjean. Dans deux autres carnets publiés pour la première fois, Rosenthal décrit le quotidien, la censure, les situations ubuesques, le mal de vivre et sous-jacent le désespoir. Un camp de vacances plus que forcées, Gurs, où le rire cache les larmes, où la France perdra son honneur.
Et puis Horst prendra un train sans retour, livré par la France, vers Auschwitz. Il sera gazé. Joël Kotek, spécialiste de la Shoah et Didier Pasamonik reviennent après les reproductions des trois carnets sur le tracé familial de Horst Rosenthal à Breslau. Ils rappellent par leur travail d’exception, leurs recherches, que paradoxalement l’Allemagne des années vingt de la république de Weimar sera très favorables aux Allemands Juifs. Mais l’antisémitisme prendra le dessus avec la nationalisme nazi. On découvre pas à pas un destin scandé par les lois de Nuremberg, la nuit de cristal, puis Vichy et la mort. Avec Mickey, bien avant Maus, était devenu une sorte de symbole, celui du peuple Juif, de l’apatride, sous le trait intelligent et généreux de Rosenthal, sans haine, mais comment aurait-il pu deviner l’horreur à venir ? A lire sans faute pour comprendre et ne pas oublier.
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