Un western ou au moins des airs du genre car avec Tout le plaisir est pour moi on est plus dans une sorte de drame psychologique violent sur fond historique dont les héros sont un Français bourré de grands sentiments et un Indien machiavélique assoiffé de vengeance. Un duo qui va se croiser et finir par peut-être une dernière rencontre fatale. L’Amérique tueuse d’Indiens, la fin d’un siècle qui voit la suprématie de l’homme blanc mais avant des comptes vont se régler avec des horreurs de part et d’autre. Olivier Mau au scénario et Fred Druart au dessin en noir et blanc mènent une danse macabre qui prend aux tripes même si quelques longueurs ou décalages émaillent les 200 pages de ce roman graphique très sombre.
Dakota en 1890, un jeune officier français arrive dans les rangs de l’armée US. Son homologue américain lui trace un portrait méprisant des Indiens, des sauvages dont on vend les scalps. Des crimes collectifs ont décimé les tribus. Sitting Bull vient d’être assassiné et l’un de ses derniers guerriers va pister tous ceux qu’il pensent responsable de sa mort. Face au jeune Français il le défie et symboliquement le tue. Il égorge sous ses yeux l’officier US et s’enfuit. Avec un guide indien, Aigle Rouge, le capitaine Français part à sa recherche sur ordre. Pendant ce temps l’Indien massacre une famille de pionniers. Le capitaine apprend que le fuyard est un sang mêlé qui sait changer de visage. A la ferme, des parents revenus mettent en fuite le meurtrier qui trouve sur sa route un drôle de docteur. Arrivé à la ferme le capitaine interroge une jeune fille survivante pour laquelle il éprouve un coup de foudre. Elle lui demande de tuer son agresseur.
Une traque dans un univers glacé et hostile, plus aucun repère moral, des actes de barbarie gratuite, le marquage au fer rouge des déserteurs indiens, on est aussi dans une chronique hyper réaliste de ce qu’a été la volonté d’exterminer un peuple. Des rebondissements astucieux dont le dernier font flirter ce western atypique avec le gore et l’épouvante, le thriller. Au final on passe par Wounded Knee, le massacre. La boucle est bouclée.
Tout le plaisir est pour moi, Glénat, 22,50 €
Longtemps qu’on attendait un western aussi ambitieux. Pour moi pas de longueurs, mais des respirations qui inspirent la solitude et le froid. Aussi, des informations historiques incroyables…. Ce n’est pas les Indiens que l’on marquait au fer rouge, mais bien les soldats Blancs déserteurs…. Voilà un éditeur courageux qui renoue avec la tradition flamboyante de la BD des années sublimes où l’on laissait Comes, Pratt, Munoz entre autres, s’exprimer sur de longues ballades aussi noires que profondes