Les Godillots resteront comme l’une des plus atypiques, pertinentes et humaines séries sur la Grande Guerre. Elle vient de finir avec le tome 5. On sait désormais le destin (provisoire) ? des héros, Bixente, Palette et le Bourhis. Des braves types confrontés à l’horreur pendant quatre ans jusqu’à ce jour de novembre 1918 où le carnage s’arrête. Olier au scénario et Marko au dessin ont su avec talent, sans jamais se redire, mener la roulante à sa dernière étape, coups de théâtre compris. A Quai des Bulles, Marko est revenu pour ligneclaire.info sur les Godillots, leur avenir, ses envies, et ce qu’il éprouve aujourd’hui, conscient que les Godillots ont rendu les armes. Propos recueillis par Jean-Laurent TRUC.
Quel effet ça vous fait, Marko, d’avoir terminé les Godillots ?
La scène finale m’a marqué. Le texte qu’elle contient aussi. Et sur le moment, l’album est sorti il y a quinze jours mais je l’ai fini il y a plusieurs mois, je n’ai rien vraiment ressenti. Cela fait neuf ans qu’on travaille sur les Godillots. J’étais assez content de terminer. Mais c’est maintenant que j’ai le retour, quand on m’en parle, que cela me touche.
Oui. Je me dis que c’est vraiment fini. On savait, bien sûr, depuis le début que c’était inévitable et comment cela se terminerait.
Ce tome 5 tombe aussi pour le dernier épisode de la commémoration du centenaire de la Grande Guerre, le 11 novembre 2018 ?
C’était un choix éditorial et personnel. Normalement il aurait dû y avoir un tome 6. Je n’ai pas accepté. Pas le temps. On voulait développer la thématique du système sanitaire. On zappe un peu à la fin du 4. Ce qui m’intéressait, c’était de montrer à quel point le blessé est une arme militaire. Un blessé est un poids pour son pays par rapport à un tué. Je pose simplement la question. Est-ce que blesser n’est pas une stratégie plutôt que tuer ? C’est un sacrifice financier que l’on impose à l’adversaire. Il y a eu des armes de destruction massive mais aussi le shrapnel, ces éclats terribles qui mutilaient. Cet angle m’intéressait. Pour le 6, les délais étaient vraiment trop courts.
Dans cette série vous avez effectivement abordé un angle précis, à chaque fois un environnement militaire différent, avec l’idée de départ de choisir une cuisine roulante comme fil rouge ?
Oui, parce qu’ils vont naviguer sur le front, avoir des infos. Tout se passe souvent autour de la bouffe. On va chercher sa soupe, on se réchauffe et on s’informe. On n’a pas traité les marins. L’aviation oui, dans le 3. La vitrine que l’on a tous en mémoire de cette guerre, c’est l’infanterie.
Sur le dernier on retrouve les Corps Francs déjà évoqués, une ambiance à la capitaine Conan. Et puis c’est aussi l’épilogue avec des rebondissements inattendus.
Exactement. On savait ce que les personnages allaient devenir dès le départ. D’où la possibilité de proposer à l’éditeur une série importante. Ce qui a été le cas. Mais sans dévoiler quoique ce soir de cette fin, la manière dont ça se passe est le reflet de l’absurdité de cette guerre.
Oui, vous avez raison. Je n’avais pas réfléchi à cet aspect. C’est d’autant plus triste. En même temps, on a fait le choix que les Allemands, bien qu’ennemis, ne soient pas les méchants. Il fallait qu’on marque le coup. Mais l’absurdité de la guerre est bien là. On voulait aussi parler de ces morts antidatées du 10 novembre. C’est d’autant plus dur qu’on s’attache aux personnages inévitablement.
Vos rebondissements sont forts.
C’est complexe parce que les situations le sont. On a beaucoup discuté de Bixente aussi. On est revenu sur lui. L’histoire est déjà dure mais c’est simple en fait.
Ce sont des braves types à part quelques cas douteux. Il y a à la fin une phrase qui pourrait ouvrir aux Godillots un avenir : « on se revoit dans 20 ans et on prend un pot ».
C’est un souhait. C’est vrai que le scénariste et l’éditeur aimeraient voir les personnages en 1940 car tout va découler, dans le monde entier, de la première guerre. Moi, ce n’est pas une période qui me séduit graphiquement. Mais surtout avec les Godillots, on a apporté un regard sur la première guerre mondiale pas encore traité. Par contre sur la seconde, c’est plus difficile. Mais pendant l’entre-deux guerres, tout ce qui a déclenché 1939, il y a plein de choses intéressantes. Si vous le pouvez, regardez la série documentaire sur Arte en 8 épisodes, 19-39, les rêves brisés de l’entre deux guerres. Olier a présenté un nouveau projet autour des Godillots, un développement qui me séduit beaucoup. Quand pourra-t-on le faire ? Difficile car je suis parti sur la série Le Jour où. J’ai une nouvelle série aussi chez Dupuis, la Brigade des souvenirs avec Carbone au scénario (La Boîte à musique). Mais depuis qu’il m’en a parlé ça me travaille.
La série va nous manquer. Votre dessin à la fois précis et chaleureux aussi.
A part quelques petits détails dont vous m’aviez parlé à l’époque sur le tome qui parle de l’aviation (rires). Je vais voir avec Jean-Yves Le Naour car je travaille avec lui sur les Compagnons de la libération, une nouvelle série Bamboo. En particulier sur Jean Moulin. Je me dis que j’ai fait finalement mon boulot, pour la commémoration, pour la mémoire. Il y aura une intégrale dans un an des Godillots et, en clôture, un huit pages où on va développer un peu cet entre deux guerres. Olier veut se garder cependant de l’inédit. On ne sait jamais. Il faut bien regarder les images à la fin du tome 5. Cela pourrait ouvrir de nouvelles pistes.
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