Marion Mousse, de son vrai nom Pierrick Pailharet, vient de publier une comédie-dramatique picaresque, Va-t’en guerre avec Adrien Ducoudray au scénario. Une balade dans les tranchées à la recherche d’un inconnu destiné à devenir illustre. Mais rien ne va se passer comme prévu dans cet album au graphisme unique. Car Marion Mousse depuis ses débuts adapte avec un beau talent son style à l’histoire, un dessin en évolution permanente. Des variations graphiques en thèmes majeurs. Il est revenu très simplement avec Ligne Claire sur ces variations, ses pseudos, sa façon de travailler et ses projets. Propos recueillis part Jean-Laurent TRUC.
Avant tout, Pierrick, pourquoi des pseudonymes, Marion Mousse, Félix Brune ?
Des pseudos qui changent ? Ce n’est vrai que pour Les Poilus d’Alaska où j’ai pris celui de Félix Brune. Il y avait deux raisons. Un, essayer de repartir à zéro avec un style graphique que je garderai. Car je change de style à chaque BD. Donc je voulais créer un pseudo pour un dessin unique. Sans abandonner la signature Marion Mousse pour continuer à faire ce que je fais, à savoir adapter mon dessin au fond. Deux, c’était une demande de l’éditeur qui estimait que pour une histoire vraie, semi-documentaire sur la guerre le pseudo féminin était moins crédible. Ce qui était très limite comme raisonnement.
Comme quoi une femme ne serait pas qualifiée ou crédible pour parler de guerre ?
A l’époque, oui. Après, est-ce que cette réaction a été due au fait que j’avais proposé de prendre un autre pseudo car ça tombait bien, peut-être. Moi ce n’était pas pour ça, mais pour faire évoluer mon graphisme.
Pour quoi avoir en fait choisi Marion, prénom féminin ?
Parce que j’aimais bien l’idée d’endosser un autre nom que le mien, et cela m’était permis dans cette profession. Il y a vingt ans il n’y avait pas beaucoup de filles et puis Marion est mixte comme prénom. A changer de nom, autant en prendre un qui me plaise.
Revenons à vos albums. Vous disiez que vous adaptez votre graphisme au sujet. GoSt 111, Blonde Platine, Va-t’en guerre, Louise, on l’a vu. Comment choisissez-vous vos scénaristes ?
Comme souvent dans ce milieu. Ce sont des rencontres et des amis. Ou quelques commandes comme GoSt 111, une des meilleures BD que j’ai faites, un mariage bâti par l’éditeur. C’est assez rare. La dernière avec Aurélien Ducoudray, Va-t’en guerre, c’est un projet qui s’est fait en parlant ensemble. Fabien Vehlmann par exemple écrit un scénario en fonction de ce qu’il connait du dessinateur. Moi, la totalité des BD que j’ai faites avec des scénaristes, ce sont des amis et on avait des points communs.
Vous avez un talent graphique et un investissement qui peut suppléer à d’éventuelles faiblesses d’un scénario. Vous êtes très polar ou tout terrain ?
Je suis intéressé par la littérature de genre. Sauf le polar en fait car ce n’est pas un univers qui me parle beaucoup.
Curieux car pourtant il y a GoSt 111 ou Brune Platine.
GoSt 111 quand on me l’a proposé, j’ai dit que je n’aimais pas le polar. Eux pensaient que cela pouvait m’intéresser. Mais quand j’ai lu le texte c’était plus qu’un polar. Le rythme était différent, permanent, subtil et pas dans les codes du polar. Pour la mise en scène, qui m’a priorité, c’était un bonheur.
Si on remonte plus loin, on est souvent dans des univers noirs avec un fond polar.
Oui tout à fait. Dans Blonde Platine le couple était intéressant, avec un second degré et c’était Lisa Mandel au scénario, une amie de quinze ans. J’ai fait aussi pas mal d’adaptations. Je suis autodidacte en BD et c’était l’idéal pour apprendre le métier. Je suis un scientifique. J’ai découvert la BD à 25 ans. J’en lisais très peu. J’écrivais des histoires par contre mais sans penser les dessiner.
Quel a été le déclencheur ?
La BD indépendante. Pour moi la BD c’était Obélix et Astérix. Quand je suis tombé sur David.B, Blain, la naissance de l’autobiographie, je me suis dit qu’on pouvait faire des histoires avec des ronds et des carrés.
Ce qui étonnant avec vous car d’un coup vous vous mettez à publier des bouquins où il y a une évolution forte, une efficacité certaine. Vous aviez quand même l’étincelle en vous ?
Je me suis dit que je pouvais mettre des histoires en dessin et motivé par des gens comme Jean-Philippe Peyraud, mon mentor de l’époque, qui a montré ma première BD, Phinéas, à Treize Étrange qui l’a éditée. On m’a proposé ensuite de faire des adaptations. J’ai découvert tard le langage avec Brüno par exemple. Si on regarde mes débuts on est dans l’esbroufe, le baroque. Je faisais pratiquement n’importe quoi. Je n’avais pas compris qu’on ne faisait pas plongée ou contre-plongée pour rien. Il y avait un sens à le faire. GoSt 111 est vraiment l’album consacré à la mise en scène.
Vous employez beaucoup de termes cinématographiques.
Le cinéma est ma première passion qui m’a poussée à l’écriture. Billy Wilder, Mankiewicz, des scénarios très écrits. Phinéas, ma première BD est dans ce sens-là. Très inspirée par ce cinéma.
On revient à Va-t’en guerre qui parait dans une nouvelle collection RamDam. Une Mary Poppins un peu tordue mène la danse dans les tranchées. C’est quoi pour vous cet album, une comédie dramatique ?
Tout à fait et influencée par le cinéma des années 50-60 italien, les seuls capables de mélanger le pire des drames avec la comédie. Nous en France on était dans l’intellectuel et la forme avec la Nouvelle Vague. Les Italiens toujours baroques dans les comédies l’étaient aussi dans le drame comme Fellini. Quand j’ai lu le scénario d’Aurélien, malgré moi le style s’est imposé. Je mets une page au propre pour monter un dossier. Pour faire le Cyclone j’ai pris un feutre à mes enfants. C’était une évidence pour parler d’une histoire d’adolescence, d’écorchés vifs. Visuellement il n’y avait pas d’entre-deux. Je ne m’impose rien et je sais que c’est très improductif commercialement. Le lecteur ne s’y retrouve pas, ne suit pas, hormis les fidèles.
Le sujet de la guerre de 14 vous a séduit ? Vous en aviez parlé avec Ducoudray ?
Il m’a livré l’histoire clés en main. 150 pages écrites. On avait discuté d’un sujet sur l’aventure, l’humour et il me donne ça. Cela n’a rien à voir avec GoSt 111 qui était un défi, un polar sans action. Il fallait trouver des subtilités visuelles. Très souvent je retravaille les dialogues pour garder le rythme mais là non. Je n’ai rien touché car c’était fluide, coulant. Il y a de la gouaille dans le texte. On est sur une scène très théâtrale, très Hergé comme mise en scène.
Le personnage de Louise va se découvrir, brouiller les cartes.
Tout à fait. Louise sort du lot dans Va-t’en guerre. On pense qu’on va suivre une équipée de groupe mais si on lit bien dès le départ la caméra s’intéresse plus à Louise. J’adore les héroïnes.
Vous travaillez de façon traditionnelle ?
Oui. J’ai eu l’occasion de faire une BD à l’ordinateur. Un calvaire. C’est plus rapide mais pas agréable. Je suis dans le tradi avec table lumineuse., story-board en terrasse et je rentre chez moi faire ma mise au propre. Pinceau, plume.
J’ai dit Tardi tout à l’heure. Il vous a apporté quelque chose en fonction du sujet, l’utilisation du noir ?
Je voulais que la BD soit colorée, comédie picaresque mais en même temps le sujet est fort, une guerre horrible. Il fallait compenser l’excès de couleurs vives en ramenant vers le sol avec du noir. Avec Frankenstein j’avais fait la même chose pour accentuer l’ambiance dramatique. Là on flirte avec la comédie mais il fallait assumer le drame. Grosses masses de noir et trait un peu gras. On est sur le fil du rasoir pour le fond.
Des projets ?
J’en ai toujours plusieurs. Je termine la biographie de Bela Lugosi, qui à la fois détestait et était obsédé par son personnage de Dracula. Plus nostalgique en fait de son succès. C’est un mariage fait par Glénat pour une collection sur le cinéma. C’est une commande. Je n’ai pas encore fini l’album qui devrait sortir au printemps 2022. Ensuite un projet personnel, un western mais rien n’est signé. C’est un genre que j’adore. L’histoire d’une jeune femme aveugle qui demande à un chasseur de primes de tuer l’assassin de son père. Mais ce ne sera pas aussi simple. On sera encore dans de la comédie dramatique comme Blain ou les frères Coen.
Et votre évolution graphique alors ? Pour un western ?
Des traits très fins, léger. Je veux quelque chose de très rêche, des formes pas fermées. Je vais voir comment je travaillerai. Des ambiances très sobres. J’ai eu cette envie en voyant des tableaux de Georgia O’Keeffe. J’aurai aimé faire une BD sur elle ou Lee Miller. C’est très complexe de bien gérer une biographie.
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