Mangas

La Peste, une intégrale pertinente qui ne trahit pas Camus

On ne va pas croire au hasard mais à un bon réflexe commercial. La Peste en intégrale, le manga en quatre tomes parus en 2021, en édition collector de 750 pages, sort chez Michel Lafon – Kazoku. Le succès étonnant de la mini-série TV il y a peu sur France Télévisions y est pour beaucoup. Reste que dans l’intégrale on a l’œuvre d’Albert Camus complète alors que les quatre épisodes de Georges-Marc Benamou et Antoine Garceau reprennent plutôt la fin. On y ajoutera aussi la volonté plus ou moins avouée (pour la TV) d’un rapprochement avec le Covid, doute, épidémie, virus, vaccin, confinement qui sont aussi les bases du roman de Camus paru en 1947. Ryota Kurumado a aussi signé L’Étranger. La Peste avait été une déclinaison tout à fait pertinente en manga et suivait Camus au plus près tout en y apportant son talent, son sens de la narration et des détails graphiques qui s’imposent. L’ouvrage en intégrale est qui plus est de belle facture pour les fans collectionneurs.

Tout va commencer avec un rat à Oran au bord de la Méditerranée, à l’époque ville française en Algérie. On est vraisemblablement après la guerre. Un narrateur dont on ne sait encore rien a textes et documents sur le terrible épisode qui va frapper la ville et pourquoi pas le monde. Le docteur Rieux trouve un rat mort en ce 16 avril 19.. Ce qui étonne le concierge de son immeuble. Qui a fait une farce pareille ? La femme de Rieux est malade, tuberculose. Le lendemain ce sont plusieurs rats que le concierge ramasse et se salit avec leur sang. Rieux sait que depuis des années la maladie, évidemment la peste, a disparu des pays tempérés, sauf à quelques exceptions (lire de Fabrice Erre et Savoia dans la collection Ariane et Nino La Peste histoire d’une pandémie). Rieux rencontre le juge Othon et son fils à la gare. Un journaliste Rambert commence à avoir des doutes. Les rats, pourquoi meurent-ils ? Une épidémie, un signe. Rieux dément. Il faut des analyses. Rieux rencontre Jean Tarrou, un voyageur. Un millier de rats morts ont été trouvés dans une usine près de la mer. Ce n’est qu’un début.

C’est ensuite tout le talent de Camus de se servir de cette peste comme symbole. On a parlé de comparaison avec l’Occupation, les rats sont les nazis et prolifèrent. On n’y croit pas au début, la guerre sera courte, la peste aussi. Les autorités veulent éviter la panique et seront au pied du mur. Fermer la ville d’Oran, confiner, essayer de trouver un sérum car celui fourni ne marche pas. La peste, depuis le Moyen Âge a toujours été un épouvantail qui a détruit des populations entières. Fabrice Erre rappelle que le Japon se sert de la peste comme arme bactériologique contre la Chine en 1944. L’intégrale se lit bien, faut remonter toutes les angoisses, les passions, les croyances, la lutte à mort contre une maladie qui pourrait être une punition. Un conseil, relire aussi le roman de Camus en complément indispensable, un chef d’œuvre littéraire.

La Peste, L’intégrale collector, Michel Lafon-Kazoku, 29,95 €

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