Milo Manara et Le Caravage, un duo épique et charnel qui s’est rencontré le temps d’une incroyable biographie en deux tomes. Manara raconte la vie de l’un des plus grands peintres italiens, un génie dont l’art s’est imposé avec fulgurances et dont la vie a été tourmentée en permanence. Manara avait le souffle à la fois académique et pictural qu’il fallait. Manara et Le Caravage devaient se croiser. On est charmé et séduit par son Caravage. Manara sera en dédicace le 23 avril 2015 à Paris au BHV de 17h à 19h.
Quand il arrive à Rome à la fin du XVIe siècle, Caravage va fréquenter les bas-fonds de la ville, rencontrer putains et artistes, devenir très vite un peintre qui gravit les échelons dans les ateliers. Sauf qu’il a un caractère de cochon, sûr de lui et de son talent, provocateur mais si doué que toutes les portes s’ouvrent dont celles du cardinal Del Monte. Sujets sacrés avec modèles qui le sont moins, bagarres et séjours en prison, Le Caravage sera aussi amoureux d’une belle demi-mondaine et peindra sans les édulcorer des scènes qu’il prend dans la réalité violente de l’époque. Un duel tourne mal, Caravage doit fuir Rome.
Ce qui fait, hormis son talent unique, l’originalité de Caravage ce sont ses choix, sa fougue et son modernisme. Si il fallait le résumer à une œuvre ce serait la Tête de Méduse qui orne un bouclier exposé au Musée des Offices. Violent et impétueux, son œuvre est à son image. Manara l’a investie et rend à merveille les contours d’une peinture et d’un personnage d’exception, loin des autres grands peintres de l’époque. Splendide.
Le Caravage, Tome 1, La palette et l’épée, Glénat, 14,95 €
Qui d’autre que Manara pouvait rendre compte de cette vie et de cette tumultueuses, surtout après avoir traversé toutes les turpitudes des Borgia? Force est de reconnaître que tout ce qui est montré sonne juste, nourri d’une documentation pas aussi poussée que celle de Dominique Fernandez, mais tout de même fort crédible… Et pourtant, pour peu qu’on connaisse bien l’oeuvre et la vie de ce génie, on est déçu car Manara gomme tout l’aspect homo-érotique du personnage, au profit naturellement des nombreux nus féminins qui constituent depuis longtemps son fonds de commerce. Pire encore, Caravage paraît comme asexué, uniquement obsédé par son art et son goût pour la rixe et les tavernes. C’est faire fi de plus de la moitié de l’oeuvre, inspirée comme on le sait, de tous les mauvais garçons qu’il a aimés et qui ont contribué à sa perte. En somme, Manara n’a fait ici…que du Manara!