Un des grands avantages de la BD est l’accès qu’elle donne à des œuvres classiques littéraires que l’on connaît tous mais sans pour autant les avoir lues. Crime et châtiment de Dostoïevski en est l’exemple parfait. Bastien Loukia a tenté l’aventure pour cette première adaptation du chef d’œuvre russe. Bon et méchants, ordinaires et extraordinaires, humbles et comblés, le mal peut-il servir le bien ? Vaste programme que met en scène Dostoïevski, chroniqueur de la condition humaine, dans son roman à travers son héros, Rodion. En espérant aussi que la BD remarquablement réalisée donnera envie de lire le roman.
Rodion vivote de petits larcins et ravitaille une vieille prêteuse sur gages, Aliona Ivanova. Dans un café il rencontre un homme désabusé, Marmeladov. Il est à bout, dans la misère. Rodion le raccompagne ivre chez lui. Sur un coup de cœur Rodion leur laisse l’argent obtenue chez la Ivanova. Une lettre de sa mère va le ramener à la réalité. Elle lui annonce sa venue prochaine. Rodion retourne chez la prêteuse et la tue. Mais elle n’était pas seule. Rodion ne peut se permettre de laisser un témoin en vie. Il réussit à s’enfuir mais la police le convoque pour une tout autre affaire. Sa culpabilité va le ronger peu à peu.
Reste désormais au tueur de vivre avec ses crimes, persuadé qu’il ne pourra échapper à la justice. Tout se mélange aussi dans les souvenirs de Rodion dont la voix off scande le plus souvent les pages. On est dans un récit torturé dont la narrateur est en face de lui-même. Loukia a scruté le texte pour mieux le porter par son dessin. Dialogues, monologues, cadrages serrés, faces à face, on est entré dans le monde à la fois de Rodion et de Dostoïeveski. Rodion n’est pas un surhomme capable du pire sans broncher. Le remord va le rattraper. Un beau travail à tout point de vue, graphique (Loukia peint et ça se voit) et scénaristique.
Crime et châtiment, Éditions Philippe Rey, 20 €
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