Que s’est-il vraiment passé en coulisses, au sein des état-majors, des partis politiques, avec les candidats pendant la campagne présidentielle la plus surréaliste que la France ait jamais connue ? Mathieu Sapin dont on connait tout le talent de reporter de terrain, crayon et Dictaphone en main, a rassemblé un beau plateau de dessinatrices et dessinateurs, six au total, pour suivre pas à pas les douze candidats. Carnets de campagne, c’est le voyage au bout du bout, du monde, de l’enfer, de l’incompréhension, de l’absurdité, du malentendu, en mot avec le recul de ce qu’on a vécu au fil des jours pour en arriver à un résultat qui dépasse l’entendement. Pas glorieux et même triste. Fini le PS, le PC (mais ça on le savait), LR plus étonnant mais quel casting de série B, et tout le reste, les écolos, Zemmour qui part à Saint-Tropez. Carnets de campagne n’est pas un décryptage mais un état des lieux avant soldes, on brade, un compte-rendu pertinent et franchement on s’y accroche à ses 240 pages, on en redemanderait presque. Du masochisme.
Louison, Dorothée de Montfreid, Kokopello, Lara, Morgan Navarro et évidemment Mathieu Sapin sont partis en chasse. C’est vrai en fait, le candidat c’est du gibier, on le traque, on attend la faute pour sonner l’hallali. Sauf qu’il faut mettre au crédit des chroniqueurs que leur objectivité fait la différence. Alors on écoute les confidences, les bons ou mauvais mots recueillis mis en dessin, les profils de personnages que l’on a vu envahir les écrans, les confrères de la presse écrite se la jouent cadors. On passe d’un candidat à l’autre. Belle Hidalgo, on parle beaucoup, on est à l’échelle quartier pour EELV. On lit des réactions complètement décalées, prétentieuses, stupides. Ils n’en n’ont pas laissé passé une les six mousquetaires. Leurs modèles d’un jour doivent se mordre les doigts encore qu’on n’est même pas certain qu’ils aient conscience de leur bêtise.
Un plongeon en apnée. Lassalle égal à lui-même honnête, et tous les autres, l’Ukraine qui s’invite, injustice du système, médiocrité générale, Mélenchon qui se prend pour le messie. Carnets de campagne fera date, c’est une preuve certes objective à verser au dossier, un témoignage qui pourrait être un testament à charge car, si aux législatives Emmanuel Macron a sa majorité, tous les acteurs du bouquin auront fait leur dernier tour de piste. La politique française devra faire sa mue, à condition qu’elle soit capable de mobiliser à nouveau les Français. Cette enquête est du direct live impressionnant de qualité. J-L. TRUC
Carnets de campagne, Dargaud Seuil, 22,50 €
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