Le roman de Yasmina Khadra est un bonheur de sensibilité, de réalisme parfois cruel qui n’efface pas la mémoire des bons ou pires moments de cette histoire. Son adaptation en BD est un modèle du genre, un bouquin qu’on ne peut lâcher tant il est prenant, émouvant et ravive de vrais souvenirs, vécus. L’Algérie des années 30 à celles de feu de 54 à 62, sans oublier Sétif en 1945, Stella Lory (Éloge de la surface) et Marion Duclos (Les Mains de Ginette) ont tracé la route si difficile, simple au premier abord d’un jeune arabe blond qui va le mettre en porte-à-faux entre deux communautés, celle des musulmans et celle des pieds-noirs même si il y a eu très longtemps osmose entre les jeunes générations comme on le verra. Un père spolié, un oncle qui a franchi la ligne rouge devenu pharmacien, a épousé une chrétienne, et Younès qui va changer de statut, être adopté.
Le père du jeune Younès, Issa, a tout perdu, ferme, récolte. Il brade ses terres et part avec sa famille à Oran. Pour le première fois Younès petit garçon blond aux yeux bleus découvre la grande ville et son oncle pharmacien, Mahi. Issa n’accepte pas son aide et trouve un gourbi pour se loger mais ne trouve qu’un poste de docker. Younès est agressé par la bande d’El Moro. Désormais Younès est gardé par les femmes dont Badra la voyante. Younès repart dans la rue. La situation semble s’améliorer pour son père qui est lui-aussi battu et volé par El Moro. Qui va le payer cher mais Issa confie son fils à son frère dont la femme le baptise Jonas qui va vivre dans des conditions exceptionnelles, aller à l’école et s’apercevoir du racisme ambiant de la part des pieds-noirs. Jonas apprend qu’il est issu d’une grande lignée. Son oncle a été confié aux religieuses et a pu faire de brillantes études. Il a eu sa chance comme il veut la donner à son neveu.
Mais tout va bouger, les lignes vont se briser. Jonas doit-il renier les siens, sa petit sœur, mépriser la déchéance de son père ou le fantasmer ? Il est pris au piège Jonas-Younès sans racines. La guerre de 1939 rebat les cartes en Algérie pétainiste même pour l’oncle pharmacien. Migration vers Rio Salado, petite ville loin d’Oran, des copains, une amoureuse Isabelle qui le rejette quand elle sait que c’est un arabe même blond. Des amis qui vont grandir tous ensemble, choisir leur camp, leur place, une relation délicate et 1945, le vrai début de la guerre d’Algérie. La suite c’est aussi un drame que va vivre sur tous les plans Jonas et les Pieds-Noirs. Remarquable. Il faut aussi lire le roman.
Ce que le jour doit à la nuit, Philéas, 20,90 €
Articles similaires