C’était, puisqu’il va falloir en parler au passé, une série atypique dont le héros était un libraire BD. C’est dans Spirou que Animal lecteur sévissait, un strip en hauteur toutes les semaines et puis des albums en forme d’agenda, cela jusqu’au tome 7 et la fin des aventures pittoresques d’un héros qui n’en n’était pas vraiment un et déclinait avec humour un quotidien professionnel pas des plus réjouissants. Un sacerdoce qu’être libraire BD de nos jours face à Amazon, internet, les sites de ventes par correspondances alors qu’il n’y a rien de plus humain que de choisir une BD ou un livre en le feuilletant pour de vrai. Sergio Salma et Libon ont été les maîtres d’œuvres de cet Animal lecteur qui, disent-ils en fin d’album sur la quatrième de couverture, est mort par manque de lecteurs. Ce qui n’est pas leur faute aux lecteurs. Ce serait trop facile de croire à une injustice. Le lecteur est libre d’acheter ou pas. Ensuite une série peut s’user face au flot des nouveautés. Ou survivre. On peut regretter qu’une série finisse dans la douleur mais c’est la vie et les éditeurs ne sont pas des tendres. De moins en moins.
Alors il va rompre le fil le libraire, fermer la porte. Finies les sorties, les rééditions, les tirages de luxe et ses acheteurs motivés par le plaisir, la nostalgie ou la découverte, leur passion. Il se pose des questions sur les héros qui sont repris ou pas quand leurs auteurs disparaissent. Même sa caisse enregistreuse va rendre l’âme. Il conseille ses derniers clients en rêvant quand même de cartes bleue ou express, de tirages et de ventes époustouflantes. Il fait partie des espèces en voie de disparition. Il trimballe toute journée des cartons de BD qui pèsent des tonnes, se fait des lumbagos et tente désespérément de mettre en valeur les nouvelles sorties. Il est submergé par la masse le libraire, celle de la surproduction. Il est un peu seul le libraire. Et que va-t-il devenir, se reconvertir ?
On l’aimait bien le retrouver dans Spirou, Animal lecteur, un contexte qui lui allait bien. Fallait-il systématiquement publier tous les gags en album au lieu d’en faire une sélection ? Peut-être. Encore une fois quand une série s’en va, c’est triste d’autant que rien ne remplacera les conseils des bons libraires, pas des vendeurs en gros en supermarchés ou autre. Alors on lui dit au revoir à Animal lecteur. Sait-on jamais.
Animal lecteur, Tome 7, On ferme ! Dupuis, 14,50 €
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