On ne les rapproche pas d’office. Et pourtant en ces temps difficiles, intellectuellement perturbés et perturbants, où il faut peser ses mots si ce n’est les censurer, cela fait un bien fou de retrouver Reiser et Daniel Goossens dans deux recueils qui décapent avec talent. Ils disent tout et plus encore. Reiser, c’est l’homme qui aimait les femmes, comme Truffaut mais en plus cru, féministe de choc. Goossens, c’est un univers décalé, celui de Georges & Louis pour sa deuxième intégrale. Comme Noël approche et avant que la pénurie de papier ne transforme notre monde en une caverne pour adeptes inaptes et ineptes, des réseaux sociaux, achetez-les. Ce sera un beau cadeau à vous faire ou à faire, intelligent et savoureux.
Bon, Reiser on a vécu le même film, l’époque. Il a eu un tort, celui de partir trop tôt. Mais en laissant des pépites qui faisaient des étincelles, des dessins explosifs. Avec L’Homme qui aimait les femmes, on a un chantre du féminisme mais qui au premier abord pouvait, au minimum, surprendre. Femmes et hommes même combat, égaux, égales qui râlent et se battent. L’anthologie est dirigée par Jean-Marc Parisis. Au total plus de 200 dessins, strips, planches qui vont faire du bruit dans le Landerneau car on l’a un peu oublié, hormis les fans, Reiser. Il ne faisait pas dans la dentelle mais son crayon épousait toujours la bonne cause, qu’il parle de viol, de pauvres ménagères, de contraception, de prostitution. Il manque beaucoup. Charlie Hebdo et ses unes, des interviews où des femmes parlent de lui, Vive les femmes a paru en 1978. Un siècle quand on compare à aujourd’hui. Des femmes qui parlent, décident, se rebellent contre la religion, toutes les religions. Gros mots qui claquent, un humour ravageur avec ses Copines à qui comme le dit Nicole Garcia, « Reiser a pris fait et cause pour les femmes en leur rendant leur dignité ».
L’Homme qui aimait les femmes, Une histoire du féminisme, Glénat, 23 €
Georges & Louis ne vont pas en bateau. Dans cette seconde intégrale signée Goossens c’est un voyage là aussi quand même mais aux origines de Fluide. Gérard Viry-Babel fait l’interview et traque les deux héros qu’ils comparent aux Bouvard et Pécuchet de Flaubert. Gustave, et ce n’est pas un mot grossier. La fin du monde, il l’a vu et l’a dessinée. Il faut dire la vérité aux laids. Et l’aventure va évoquer les femmes désirables. Honte et damnation. Le monde est contaminé, ils et elles sont parmi nous. Georges et Louis sont romanciers dans un bureau miteux. Idées bizarres et bas de plafond, ils savent quand même tout sur tout. Ils usent d’images, il ne suffit pas d’être bon mais de paraître tel. La philosophie pour les nuls et qui le savent. Pas de chute, ni de logique, un bazar permanent où règne une bonne dose d’absurde. Le dessin est clair. La Planète des moules est à redécouvrir avec la Reine des mouches. Que du joyeux et savoureux.
Georges & Louis, Intégrale volume 2, Fluide Glacial, 24,90 €
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