Ils avaient déjà été complices d’aventures pour Chinaman. Dans Griffe Blanche (Dargaud), dont le tome 2 vient de sortir, Serge Le Tendre au scénario et TaDuc au dessin signent un western asiatique, une épopée bien construite autour d’un trio mené par une mystérieuse jeune femme. Le Tendre et TaDuc seront à Montpellier à la Comédie du Livre dans le cadre de la carte blanche donnée à Xavier Dorison en association avec la libraire Planètes Interdites. Ce texte a paru aussi dans le mensuel ZOO pour lequel il a été écrit. Jean-Laurent TRUC
Des dragons, des traîtres malfaisants, des héros au cœur pur, on y ajoute quelques vengeances et une bonne pincée de fantastique, comme le dit Serge Le Tendre en parlant de sa série Griffe blanche, « c’est tout cela l’aventure, avec des machinations et des justiciers ». Un cocktail bien dosé et « un côté caricatural, un clin d’œil au western, bien sûr, même si cette fois on est en Asie dans un environnement moyenâgeux ».
Pour le casting de Griffe Blanche, le premier entré en scène a été Taho-le-Vif, un chasseur de dragons. Il hérite, pour services rendus aux cracheurs de feu, d’un don pratique et redoutable. Au passage, le brave et impétueux garçon poursuit le meurtrier de ses parents. Taho l’a balafré, histoire de le reconnaître.
Arrivée en seconde position, Griffe Blanche, l’héroïne a donné son nom à la série qui comptera trois albums pour ce premier cycle. Elle est belle, jeune mais a des cheveux blancs. Elle est douée pour les arts martiaux, le combat à l’épée. Elle a un vieux mentor à la main baladeuse et sert de garde du corps au fils d’un prince assassiné. Reste enfin la grande gueule qui tombera de haut, le lieutenant Foudre, beau gosse courageux au petit faible pour la jeune femme.
Un héros solitaire et deux farfelus
« Le trio se forme petit à petit. Griffe Blanche ne sait pas vraiment pourquoi est là. Elle a des missions dans chaque album et des épreuves à passer. Elle ne sait plus parfois où elle habite et s’interroge, perd ses repères. On en saura plus dans le troisième tome », ajoute Serge Le Tendre avec un ton malicieux. « C’est un parti-pris de ma part. Griffe Blanche est un personnage solitaire, un héros, qui s’acoquine avec deux farfelus doués pour l’action violente ». Et il ne va pas en manquer de l’action au Royaume des dragons, convoité par Suo le Rouge, prince du peuple du loup, qui a déjà soumis le peuple singe. Un expansionniste sans scrupules, Suo avec son âme damnée, Main de fer. Pas de pitié pour les vaincus.
« Ces alliances pour lutter contre un dictateur placent Griffe Blanche dans un univers qui a des points communs avec celui du Seigneur des anneaux », suggère Serge Le Tendre. « Je tenais à cet arrière plan politique tout en privilégiant la part mythologique de mon intrigue. Quand la mère dragon confie sa progéniture à Taho dans le premier album on retombe sur un aspect vraiment mythique ».
Mythologie certes, mais Serge Le Tendre a une autre passion, le fantastique et dans Griffe Blanche il en a parsemé le récit. « J’ai une grande facilité à aller vers le fantastique. J’ai commencé avec La Quête de l’oiseau du temps sans être, comme on l’a dit, un expert de l’heroic fantasy. Ma culture vient d’auteurs américains comme Frank Herbert ou Philip K.Dick et cet amour du fantastique je l’ai depuis que je suis gamin. L’inconnu m’attire plus que le connu ».
D’où le fameux don, à découvrir, de Taho-le-Vif octroyé par la reine des dragons. Un don qui ne fonctionne que quand Taho est vraiment en colère. Serge Le Tendre a un intérêt avoué « pour l’aventure humaine. Je me sens proche d’un personnage qui souffre comme celui de Griffe Blanche. Les rapports humains sont indispensables à mon écriture comme l’habillage fantastique, une deuxième peau. Le personnage doit faire face à son destin ».
Une pointe de burlesque
Griffe Blanche est une épopée cruelle et violente aux pointes d’humour qui détendent l’atmosphère. Dans le tome 2, les méchants ont de la ressource et ne s’embarrassent pas d’états d’âme. C’est le temps de la révolte, de la guerre et de la libération du peuple singe dont la mascotte, King Kong en herbe, sera le détonateur. Griffe Blanche et le lieutenant Foudre, pris au piège, se rapprochent alors qu’ils pensent livrer leur ultime combat.
TaDuc et Le Tendre ont mis en scène des batailles grandioses dans des décors d’une grande richesse. Le dessin de TaDuc a du souffle. Les personnages ont du relief. Forteresses perdues dans les montagnes enneigées, chevauchées épiques, duels et même une pointe de burlesque, Serge Le Tendre et Olivier TaDuc ont travaillé à plusieurs mains pour dégager cette histoire de sa gangue initiale. « Nous avons eu des séances de travail sur le scénario avec Olivier et son épouse qui a fait la synthèse de nos échanges. Nous confrontons nos idées pour voir si elles fonctionnent. Ensuite je taille, je sculpte, je fais des bulles », ajoute en riant Serge Le Tendre. L’échange entre les deux auteurs est permanent à tous les stades de la création, mise en scène, crayonné, dessin, couleur. « Je suis très excité de participer, collaborer. Nous avons fait le story-board ensemble. On gagne beaucoup de temps et on partage du plaisir dans une confiance totale ».
Un régal pour Serge Le Tendre cette façon de travailler. Lui et Olivier TaDuc se connaissent depuis vingt ans, une sincère intimité professionnelle et amicale les lie. « J’ai pris un réel plaisir à bâtir cette histoire, à en créer le bestiaire si bien dessiné par TaDuc qui a fait un superbe travail dont une belle couleur directe très contrôlée ». Dans le troisième épisode de Griffe Blanche, Serge Le Tendre donnera les clés manquantes. Taho sera allé au bout de sa vengeance. Une suite prévue ? « Plus si affinités ? Pourquoi pas, mais ce sont les lecteurs qui ont la décision entre leurs mains ».
Une grande histoire d’amour
Serge Le Tendre a à son palmarès des séries d’anthologie Si on lui demande quel est le thème qu’il n’a pas traité et sur lequel il aimerait écrire, la réponse est immédiate : « une histoire d’amour, une merveilleuse histoire d’amour. J’adore tout ce qui est intime, quand le romantique devient tragique. Mon modèle est Cyrano de Bergerac. Il y a tout dans Cyrano ». Pygmalion tenterait également Le Tendre, autre thème sentimental.
Pour l’heure, au programme, il y a Griffe Blanche et Les Vestiges de l’aube avec Frédéric Peynet adapté de David S.Khara dont Le Tendre transposera bientôt en BD un autre best-seller, Le Projet Bleiberg. Avec Guillaume Sorel, il a un projet chez Glénat qui se passera aux temps bibliques. Pour ceux qui attendent la suite de La Quête, on n’aura pas d’informations de plus. Stand-by.
Serge Le Tendre n’a qu’une envie, « continuer à écrire des histoires, les partager avec les lecteurs. Ma seule ambition, quelles que soient les ventes de mes albums, est de bien écrire, à bien travailler ». Avec Griffe Blanche, Serge Le Tendre a rempli son contrat.
Griffe blanche, Tome 2, La révolte du peuple du singe, 48 pages couleur, Éditions Dargaud, 13,99 €
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