Une reine maudite ? Pas si sûr car Catherine de Médicis, politicienne de haut vol et hors du commun, a su mener ses affaires, et au passage celles de la France, d’une main de maître. Elle restera celle qui avec son fils chéri Charles IX va noyer les Protestants dans un bain de sang, manipuler puissants et nobles de tout bord pour maintenir les Valois sur le trône. Ce tome 3 de sa brillante et sanglante carrière n’est finalement qu’à l’image d’un pays qui sait faire dans le tragique et le drame avec une facilité déconcertante. Communautarisme, guerres de religion, extrémisme, massacres, le XVIe siècle a pris les devants sur le futur historique d’une nation à l’heure du doute. On remettra le couvert en 1789 mais dans une autre registre, puis en 1871. Arnaud Delalande et Simona Mogavino (Aliénor d’Aquitaine) ont bâti un récit parfait, précis, emballé par une vague de sentiments divers, haine, passion, soif de pouvoir, bêtise, avec un galerie de personnages authentiques qui fait passer ceux de Shakespeare pour des amateurs joviaux. Catherine la politique se démène corps et âme sous le crayon talentueux de Carlos Gomez et les couleurs puissantes de Salvo.
Elle sent qu’elle va y passer la Catherine et elle a au mieux des regrets en 1589 à Blois. Elle a voulu la paix des braves entre Protestants et Catholiques, marié sa fille à Henri de Navarre contre l’avis de ses fils, du pape, de la cour. C’est fait mais Coligny, chef de la Ligue, est blessé dans un attentat. Pourtant il est très copain avec Charles IX. Paris gronde contre les Protestants de noir vêtu qui envahissent la capitale. Et si on en finissait une bonne fois avec ces réformistes tristounets ? On va achever Coligny et s’offrir une Saint-Barthélémy haut de gamme. Catherine veut qu’on ne tue que les chefs mais le dérapage sur ordre du frère du roi va atteindre des sommets. La Seine va charrier des cadavres, femmes, enfants, vieillards. On fait croire que les Protestants se soulèvent et le bon peuple, la foule d’abrutis, prend la relève. On laisse faire. Catherine tire les ficelles en sous-main.
Une dramaturgie écrasante dans ce tome 3 mis en scène à merveille même si on connait par cœur les faits. Le récit pousse les personnages dans leurs retranchements, les obligent à se dévoiler et on est avec eux, terrifiants et lucides à la fois. Bon, elle aura des remords la régente reine-mère mais il y avait de quoi. Un des meilleurs tomes de la série avec un graphisme qui ne peut que marquer les esprits et faire revivre un des plus violents moments de l’Histoire de France.
Les Reines de sang, Catherine de Médicis, La reine maudite, Tome 3, Delcourt, 14,95 €
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