Il était une fois, au début du nouveau siècle, ce qui ne rajeunit personne, un Retour à la terre qui avait explosé toutes les optimistes prévisions de la belle maison Dargaud, de l’excellent Philippe O., éditeur sagace et charmant de la grande maison. Au point que même un quotidien très régional du sud de la France décidait, enthousiaste, de publier les strips de cet auteur auquel on croyait dur comme fer, Manu Larcenet, et de son complice scénariste, Jean-Yves Ferri. 2002-2019, des Retour à la Terre, joyeux babillage plein d’humour, de tendresse, d’émotion, il y en a eu cinq jusqu’en 2008 et un cette année, un tout beau, tout neuf. Il fallait que Larcenet ait fini de faite Plast, non Blast, autre monument en quatre tomes. Dans une dédicace restée dans les annales, pour le tome un il conseillait : « Cher JL, un livre idéal pour caler ton armoire normande, ton piano à queue, ou, plus simplement le lire. Manu ». C’est la dernière option qui fut choisie. Un bonheur en noir qui aura été le même à chaque nouveau pavé de Plast, non Blast.
Voilà pour un bref retour en arrière avant de plonger en apnée, une larmette à l’œil (les personnages âgées sont sensibles) dans ce tome 6, Les Métamorphoses. Ils sont tous là, dix ans plus tard. C’est Ferri qui a le plus vieilli. Non, on rigole. Pupuce a grandit et Larssinet va être papa pour la seconde fois même si il fait un gros refus. Aux Ravanelles, heureusement qu’il y a des cartons pour que Manu fasse l’autruche. Ou le moineau pour apporter la becquée en forme de baguette à sa petite nichée. Cœur pur n’a pas bougé d’un flocon. Manu se pose des questions. Une histoire de père. Et en plus il faut faire Plast inspiré par Madame Mortemont. Noir, c’est noir, Philippe O. a encore un peu d’espoir. Son patron, l’excellent et vibrionnant Claude de. veut le remettre sur un nouveau projet, le Manu, car Ferri, l’admirateur du général à la plage, « besogneux mais efficace » travaille sur Astérix. C’est décidé, Philippe ira voir Larssinet aux Ravanelles pour lui proposer la reprise de la série Nasty Bonzo. Pauvre Philippe. Si il avait su il serait parti plus tôt en Australie. Ce qui lui aurait permis d’éviter quelques Zadistes frappés. Mariette commence à voir des renards en forme de Larssinet. Il va voir un voyant, ce bon Loupiot, légèrement atteint d’Alzheimer.
Il s’en cogne le permafrost, Manu. Il arrête la BD. Le monde hagard reprend l’incroyable nouvelle. Enfin un peu. Obligé d’y retourner aux crayons d’autant que Ferri a fini Astérix. Et hop, on a ce tome 6, du coup, tout joli et tout fignolé avec amour. Un bonheur, pas compliqué, intelligent, doux et tendre, plein de tact et de délicatesse, on en est presque ému. Ah, les vieux. Vous avez bien fait le duo. Ces Métamorphoses sont un petit hymne au vrai bonheur.
Le Retour à la Terre, Tome 6, Les Métamorphoses, Dargaud, 12 €
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