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Les Matins doux, De Beauvoir et Algren pour la passion d’une vie

Si il faut parler de réussite éditoriale il y avait eu entre autres chez Steinkis Les Choses sérieuses pour Marais et Cocteau, un Kessel indomptable, Derrière le rideau pour Montand et Signoret. Cette fois on touche si l’on peut dire à une figure mythique de la littérature féministe, Simone de Beauvoir mais dans un cadre étonnant, elle l’âme sœur de ce cher Jean-Paul qui a parfois encombré nos réflexions philosophiques, celui d’une amoureuse passionnée. Et en prime pour un autre auteur et non des moindres, Nelson Algren américain et auteur de L’Homme au bras d’or livre très noir traduit par Boris Vian et porté à l’écran par Preminger. Les Matins doux d’Ingrid Chabert (Soixante printemps en hiver) et Anne-Perrine Couët (Báthory) au dessin sont une belle ode à l’amour. Dire qu’on est comblé par cette aventure hors normes, qui flirte avec l’improbable est peu dire. Simone le petit Castor de Sartre va vivre intensément une relation fusionnelle entre France et USA de 1947 à 1964. Ce qui n’est pas rien pour l’autrice du Deuxième sexe qui va en plus le présenter à Sartre et lui faire découvrir l’existentialisme, ce qui ne sera pas cela dit avec elle la priorité d’Algren.

Comme quoi un voyage peut déterminer un avenir amoureux. Simone de Beauvoir déjà célèbre est invitée en 1947 à Chicago. Elle n’a pas 40 ans. On lui a donné l’adresse d’un romancier qui monte, Nelson Algren. Elle doit partir très vite vers la Californie mais veut rencontrer Algren. Le joindre ne va pas être simple mais les 24 heures qu’ils vont finalement passer ensemble vont être épiques. Désinvolte Algren qui a connu la France pendant la guerre, balade dans un Chicago glacial et ses quartiers mal famés. Choc des cultures pour Castor qui taquine le bourbon au milieu de truands ou de prostituées. Pas fatiguée Simone et coup de foudre elle qui se dit être la femme de personne. Amour physique effréné, passion instinctive pour la plus jolie existentialiste d’après le New Yorker. Simone et Nelson vont se battre contre le temps, la distance, s’écrire des lettres non seulement sensuelles mais d’une très belle qualité littéraire.

Les années vont passer, la liaison certes se complique sans que Sartre soit dupe. De la passion à l’état pur, physique et intellectuelle, presque digne d’un couple d’adolescents. Le dessin, les expressions, la tendresse et évidemment les textes, tout fait de ces Matins Doux un vrai bonheur. On retiendra aussi la violence de l’intelligentsia française, Mauriac en tête, à la sortie du Deuxième sexe. Simone de Beauvoir s’est battue pour la libération de la femme. Elle portera toute sa vie l’anneau que lui avait offert Nelson Algren et sera inhumée avec comme elle le souhaitait. Émouvant, enviable et un amour intense si intime. Oui, Sartre n’a pas été le seul grand amour de Castor.

Les Matins doux, Simone de Beauvoir & Nelson Algren, Steinkis, 22 €

 

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