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Bagdad Inc., comment faire une sale guerre par procuration

La deuxième guerre du Golfe, l’invasion de l’Irak par les troupes US en 2003. Stephen Desberg y a transposé l’action de son thriller, Bagdad Inc., un one-shot qui paraît au Lombard. Charlène, jeune avocate militaire américaine, se retrouve propulsée enquêtrice dans une affaire qui sent le souffre sous le crayon de Thomas Legrain en rupture très provisoire de Sisco.

En 2004, Bagdad et l’Irak sont l’enjeu de toutes les convoitises. Les grands groupes US se placent et ont le pétrole en prime. Mais un tueur en série rode dans les rues piégées de l’ex-capitale de Saddam. Le lieutenant Charlène Van Evera débarque à Bagdad où l’on a trouvé des cadavres mutilés d’Irakiens couverts d’inscriptions en anglais. Pas franchement de saison dans l’ambiance tendue de l’époque. Sa mission ? Traquer le coupable avec l’aide d’un mercenaire d’une agence de sécurité, Jackson Baines. Et de l’éliminer. « On n’a pas trouvé le sujet de suite avec Stephen Desberg. En fait, on traite de la privatisation de la guerre et de ces compagnies payées par le gouvernement US pour faire tous les boulots possibles, protection, sécurité, ravitaillement. Personne ne va se soucier d’eux si ils se font tuer, ni si ils dérapent ».

Thomas Legrain se souvient que Desberg, qui aimait son dessin, l’a contacté il y a deux ans. Ils avaient depuis longtemps envie de travailler ensemble. « Mais au départ on était partie sur une autre piste qui n’a pas abouti. Il m’a montré le pitch de Bagdad Inc.. Il m’a plu. On est finalement arrivé à cet album qui nous convient bien ». Un constat évident quand on voit la maîtrise et l’évolution du dessin de Legrain, un réalisme soigné et puissant qui le place désormais parmi les meilleurs avec Bagdad Inc. « Mais je n’ai pas ensuite participé au scénario », poursuit Legrain en souriant, « que Desberg m’a livré complet. J’ai apporté des idées graphiques bien sûr ».

Thomas Legrain. JLT ®

L’avocate de Desberg, Charlène, a eu une vie qui ressemble à un champ de mines. Abandonnée par son père, sa mère, militaire, se suicide en rentrant d’Irak en 91. Charlène s’engage, devient avocate militaire et son fiancé est assassiné. Un joli passif pour la jeune métisse. Elle se retrouve à Bagdad à traquer un psychopathe qui joue au boucher et prélève des morceaux de ses victimes. « C’est vrai que Charlène a beaucoup chargé dans sa vie et son séjour à Bagdad ne va pas l’arranger. Mais on comprendra aussi pourquoi elle s’accroche. Le rythme narratif de Desberg m’a motivé. Il y a peu de cases par planche et je les ai travaillé en format 16/9e. J’ai vraiment pris plaisir à faire cet album. Je n’ai pas éprouvé de difficultés. Je me suis lâché, totalement ». Le couple avocate-mercenaire ira jusqu’au bout de sa mission dans ce one-shot. Même si on peut penser, à titre personnel, que leurs aventures mériteraient une suite.

Le dessous des cartes

Tout au long de l’enquête mouvementée, très nerveuse et sans temps morts, Desberg rappelle le dessous des cartes en Irak en 2004. Il ne s’est pas juste fait plaisir à concocter un polar sur fond historique. Son Bagdad Inc. est bien un polar mais l’auteur y a ajouté tous les éléments imparables qui montrent que l’invasion de l’Irak en 2003 a surtout été une affaire de gros sous et de mensonges volontaires. Deux ans après le choc du World Trade il fallait pour George Bush un ennemi à détruire même sous de faux prétextes comme celui des armes secrètes de Saddam restées introuvables.

Depuis des années la politique extérieure américaine n’est pas une réussite. Desberg est un parfait connaisseur, et pour cause, des États-Unis dont il est ressortissant. Il trace, mine de rien, un panorama inquiétant de la guerre par procuration. Irak, Ukraine, Libye, déstabilisation du Moyen-Orient avec la Syrie, le choix était vaste pour, comme le dit Legrain, « coller à l’actualité et s’impliquer émotionnellement ».

Pour l’heure, après Bagdad Inc., Thomas Legrain se repenche sur Sisco et le prochain diptyque, les tomes 9 et 10 : « Il y aura un saut temporel de deux ans après ce qui se passe dans le dernier album, des changements, des voyages. Sisco a encore du souci à se faire ».

Bagdad Inc., Par Stephen Desberg et Thomas Legrain, Le Lombard, 76 pages couleur, 14,99 €

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