Karim Lebhour, journaliste, avait signé Une Saison à l’ONU où il était correspondant de l’Agence France Presse. Avec Vincent Defait, lui aussi journaliste, ils racontent leur quotidien dans un pays dont on parle peu même si cela le mériterait, l’Éthiopie. Une Saison en Éthiopie est le parcours du combattant de deux chercheurs d’informations, de vrais professionnels rodés et surtout passionnées qui vont affronter tous les aléas d’un pays au régime dictatorial dans une corne de l’Afrique toujours en ébullition mais loin des préoccupations occidentales. Alors que la Chine y est désormais la vraie puissance locale après avoir noyauté économiquement ces pays et bien d’autres en Afrique. Recul, humour, vie familiale, les deux auteurs sont en première ligne. On ne dira jamais assez le rôle majeur de l’Agence France Presse, de ses dépêches qui alimentent toutes les rédactions du monde entier et sont la base même de la liberté d’informer. En filigrane, Une Saison en Éthiopie est un hommage à ses honorables correspondants et confrères avec lesquels il a toujours été un plaisir de travailler. Leo Trinidad est au dessin qui a un petit air des Pierrafeu avec carte de presse.
De New York à Addis-Abeba, choc des cultures mais on s’y fait quand on travaille pour l’AFP. Un pays dévasté par la famine en 1980. Karim rejoint les siens déjà arrivés, Niki sa compagne. l’Éthiopie se lance dans de vastes programmes pour se développer. Une ville d’altitude, polluée. Niki travaille pour l’ambassade britannique, grande maison de fonction, gardes du corps, personnel. Karim va prendre ses marques. Il doit couvrir Djibouti, l’Érythrée et l’Éthiopie avec le siège de l’Union Africaine à Addis-Abeba. Il prend contact avec Vincent un autre journaliste français en poste depuis plusieurs années. Cérémonie du café, un incontournable, il faut se faire aux coutumes locales. Faire attention aux communiqués officiels, mais des reportages fascinants à faire. La ville est couverte de chantiers. Le pays n’a jamais été colonisé hormis occupé un temps par Mussolini. La Chine est partout et on prend tous les étrangers pour des Chinois.L’Union Africaine est le siège diplomatique du continent mais est vide la plupart du temps. L’épouse de Vincent travaille pour l’Unicef mais le pays est sous contrôle gouvernemental, pas de liberté de la presse, pas d’opposition. Mais la pauvreté régresse.
Bureaucratie reine des batailles quel que soit le régime, les réseaux sociaux bloqués ou espionnés mais l’Éthiopie est stable, bordée par la Somalie en guerre, idem pour le Soudan du Sud, l’Érythrée ou l’Ouganda. On se souvient du Derg viré en 1991 par les Tigréens. Le poids des ethnies, les deux journalistes savent que la démocratie a encore du chemin à faire. Le récit au quotidien est très bien mené, documenté de façon pointilleuse mais jamais ennuyeuse, au contraire. On découvre il faut le dire une situation largement ignorée par les médias. En cela l’album est déjà nécessaire et montre aussi que la tension monte. On suit le travail d’enquête authentique des deux journalistes qui se lit sans pause. On pense aussi à Guy Delisle mais le propos et le contexte ne sont pas les mêmes, ni évidemment la profession. Remarquable, un modèle de reportage en fait.
Une Saison en Éthiopie, Chinafrique, état d’urgence et macchiato, Steinkis, 22 €
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