Un album qui ravive des souvenirs personnels, des moments vécus douloureux, difficiles, dangereux parfois, ce sont les évènement viticoles languedociens commencés à l’aube du XXe siècle et qui ont atteint leur paroxysme au début des années soixante-dix dans l’Aude et l’Hérault. Dans Le Vin rouge sang, Eric Corbeyran et Luc Brahy au dessin suivent à la trace une de ces familles de viticulteurs qui seront malmenés, prix en otages par Bruxelles, les producteurs étrangers, vont souffrir dans leur chair et se révolteront.
C’est à Montredon près de Narbonne, en 1976, en mars, que le pire est atteint. Train, incendié, fusillade entre centaines de viticulteurs et CRS, le commandant Le Goff est tué, le viticulteur Émile Pouytés aussi. On va tirer dans les vignes pendant près d’une demi-heure. Sur place il y a mes confrères photographes de Midi Libre Narbonne, nos envoyés spéciaux. Impossible de rapporter les photos en voiture au siège du journal à Montpellier et idem dans l’autre sens. Les barrages des viticulteurs bloquent les routes. Difficile aussi techniquement de faxer les clichés pour la Une du soir et les pages spéciales. Tous bloqués au siège à Montpellier. Il n’y a qu’un journaliste motard à la rédaction présent ce jour là, moi. Le rédacteur-en-chef me demande de partir pour Narbonne récupérer les pellicules et les tirages. Je prends la route à 15h, je ne reviendrai qu’à 22h juste à temps pour le bouclage, plus de trois heures pour arriver à l’agence, un peu plus de nuit au retour. Pas une voiture, plus d’une vingtaine de barrages filtrants sur la route, ne rien dire, surtout pas ma profession car ce n’est pas toujours le grand amour entre journalistes et viticulteurs, Narbonne désert en état de siège avec des patrouilles de CRS dans les rues, les pellicules dans mes bottes, les clichés entre chemise et blouson, passer parfois par les vignes en trial pour contourner les barrages. Un froid terrible en moto et enfin un des meilleurs souvenirs de ma vie de jeune journaliste quand le journal a été tiré ce soir là. Un an avant j’avais couvert une manifestation musclée au péage d’autoroute de Béziers (à l’époque il n’y a que la portion Narbonne-Béziers ouverte) où des viticulteurs m’avait pris pour un agent des RG. C’est un confrère de La Dépêche qui m’a tiré d’affaire et ma carte de presse. Voila ma crise viticole. Elle aura marqué mes débuts de carrière. L’album de Corbeyran et Brahy me l’ont rappelée mais rend surtout hommage à une profession passion qui souffre toujours même si désormais les vins du Languedoc-Roussillon sont devenus aussi, à force de travail, des références en qualité. Ce qui n’était pas le cas, il faut le dire autrefois.
Dans le port de Sète, le 10 août 1981, un comité d’action viticole avec le charismatique Jean Huillet à sa tête et le héros de l’album Jean Gaillard, vont vider les cuves de l’Ampelos, cargo italien. Mais avant cette opération qui sera largement reprise, il y en a eu bien d’autres révoltes vigneronnes. Jean Gaillard questionne son père blessé pendant la fusillade de Montredon en 1976, vrai point d’orgue de la revendication après les bombes artisanales contre les perceptions. Il découvre comment le domaine familial qu’il exploite désormais, a survécu à 1907, les fusillades à Béziers sur ordre de Clemenceau, le leader Marcellin Albert. Les tarifs, les fraudes, les importations avant 1962 non pas de l’étranger mais des départements français d’Algérie, puis l’Italie, l’Espagne, une surproduction qui se transformera en primes à l’arrachage. Jean Gaillard a l’espoir chevillé au coeur en ce mois de mai 1981. Mitterrand va être élu président. Ce qui ne résoudra pas tout.
Un album intéressant, riche en détails avec pourtant la mise en avant pour Montredon d’un coup monté, d’un tireur embusqué pour provoquer une fusillade. Très peu crédible. La plupart des viticulteurs avait leur fusil de chasse. Le commandant CRS Le Goff a été tué par un calibre 12, une balle de chasse aux sangliers. Son adjoint blessé a donné l’ordre de riposter au PM. Au total 19 CRS seront blessés par balles et une dizaine de viticulteurs. Une photo de l’AFP publiée à la Une de Midi Libre montre bien un viticulteur à genoux en train de tirer ce qui d’ailleurs avait valu, si mes souvenirs sont bons, une perquisition au journal. C’est vrai par contre que l’affaire a été classée mais est ancrée dans la mémoire collective languedocienne. Reste qu’il faut raconter cette crise douloureuse qui aujourd’hui encore n’est pas finie. Vins de table et AOC du Languedoc trouveront-ils un jour l’équilibre pour que toute la filière viticole puisse vivre décemment ? On le souhaite. J-L. TRUC
Vinifera, La Grande Histoire de la vigne et du vin, Le Vin, rouge sang, Glénat, 14,50 €
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