Un très beau bouquin pour cette mise en exergue du Dernier vol de Saint-Exupéry bien sûr dans une nouvelle édition complétée par d’autres histoires parues dans divers recueils dans les années 90 et dans A Suivre. Umberto Eco signe la préface en 1995. Du Hugo Pratt à l’état pur en rupture de Corto mais avec une poésie, une honnêteté créatrice et un sens de l’histoire dans l’Histoire inégalable. La seconde guerre mondiale, même avec Saint-Ex, en est le fil rouge et on retrouve de vieux complices perdus de vue depuis presque trente ans dont Koinsky pour Deux ou trois choses que je sais d’eux.

C’est Saint-Exupéry – Le Dernier Vol qui décolle en tête évidemment. Des pages préparatoires, des croquis et puis l’histoire, Saint-Ex qui rêve dans son Lightning au dessus de la Méditerranée, qui repart avec Mermoz, au Maroc avec la Postale pour la mort d’Érable. Consuelo est là aussi, amour suprême. Le Petit Prince et son mouton, la guerre d’Espagne. L’album est la bio de Saint-Ex par lui-même. Des rencontres dans les nuages, Pratt a signé un vrai chef d’œuvre avec une nouvelle couverture.

On y a donc rajouté pour un total de plus de 300 pages quatre autres histoires que les lecteurs de Pratt reconnaitront sans peine. Un pâle soleil printanier a été publié dans Deux ou trois choses que je sais d’eux. La seconde guerre mondiale a été un des thèmes favoris de Pratt avec Les Scorpions du désert, Ernie Pike trop souvent oublié ou Koinsky, Histoires de guerre. Des héros souvent solitaires, des amitiés d’adversaires, des amours torturés, des avions et des histoires de pilotes, Pratt avait une documentation incroyable et son ami Gregory Alegi comme consultant car il colle à l’époque, se passionne pour les uniformes, le matériel, évoque le SOE britannique. Il y a même dans cette édition les insignes des unités dont ceux des Français pendant la campagne d’Italie. On est dans le drame avec Pratt mais on meurt parfois avec désinvolture ou fatalisme.

Baldwin 622 est une histoire de trésor gardée par une vieille locomotive, services secrets et la Haganah, un huis-clos d’action mais aussi philosophique. Avec Dans un ciel lointain ce sont des pilotes amis puis ennemis, amoureux et pris au piège de la guerre. Un des meilleurs moments de ce recueil. Reste Morgan pour la fin, la Navy près des îles grecques, des commandos, l’Italie qui bascule contre l’Allemagne, le héros a de grandes dents. Mosquito, ballons d’observation,Venise et un stock de BMW à couler, un long récit panaché d’humour. Et pour en finir Gregory Alegi signe la postface illustrée, lui l’historien spécialiste compagnon de Hugo Pratt qui l’aidait à éviter les erreurs matérielles dans ses dessins de combattants. Un ouvrage, on le répète, indispensable, des moments rares et inoubliables.

Saint-Exupéry, Le dernier vol et autres récits, Casterman, 35 €