Il l’avait annoncé lui-même le 9 mai dernier. Raoul Cauvin n’avait plus que quelques mois à vivre. Cauvin avait décidé après le tome 64 de passer la main. Le scénariste belge de bande dessinée Raoul Cauvin, père de la série à succès Les Tuniques bleues, est mort ce jeudi 19 août 2021, trois mois après avoir annoncé être atteint d’un cancer incurable, a annoncé Dupuis, sa maison d’édition.
Il avait laissé le scénario des Tuniques Bleues à Kris pour le tome 66 qui paraitra en 2022. Le tome 65, L’Envoyé Spécial a été signé par José Luis Munuera et les BéKa. « Le divan, c’est mon outil de travail. Dans presque toutes les pièces de la maison il y en un, ou quelque chose qui lui ressemble. » Raoul Cauvin, scénariste aux mille et une histoires, l’avouait humblement : il ne pouvait réfléchir correctement que lorsqu’il était allongé. Il ajoute : « D’ailleurs, je vous défie de penser les yeux ouverts ! »
Né à Antoing le 26 septembre 1938, Cauvin est l’un des rares étudiants à avoir suivi pendant cinq ans des études de lithographie publicitaire à l’Institut Saint-Luc de Tournai, pour découvrir en entrant dans la vie active que cette profession n’existait plus. Suivent toute une série de petits métiers et notamment un emploi dans une usine de boules de billard, qui lui développe une véritable passion pour ce jeu sur tapis vert où l’on ne mise guère plus qu’une tournée générale. Il entre en 1960 aux Éditions Dupuis comme… lettreur (passage obligé s’il en est), puis devient rapidement caméraman au département dessins animés où il restera 7 ans. Durant ces années, il se découvre une autre passion : le scénario. C’est Charles Dupuis lui-même qui lui offrira sa chance.
1968, année clef, sous les pavés les Tuniques Bleues
Cauvin fait ses premières armes avec des collaborateurs internes de la Maison : Ryssack (Arthur et Léopold), Gennaux (L’Homme aux phylactères, Loryfiand et Chifmol), Carlos Roque et Vittorio. A ses débuts, il travaille avec une jeune dessinatrice parisienne, Claire Bretécher. Leur collaboration donne naissance à une série intitulée Les Naufragés. 1968 est l’année clef. Cauvin et Salvérius lancent leur propre western : Les Tuniques Bleues, une bande dessinée d’humour sur fond de guerre de Sécession. A la mort de Salvérius, il propose la reprise de la série à Lambil qui la développera jusqu’aux hautes altitudes des best-sellers. Cette saga dépasse les quinze millions d’exemplaires vendus en français et fait l’objet d’innombrables traductions à travers l’Europe. Toujours responsable de la vieille machine Rank tirant les copies et travaux d’agrandissement ou de réduction pour les rédactions et les auteurs de passage, Cauvin est désormais au centre de la toile et, grâce à sa renommée grandissante, il se voit sollicité par tous les dessinateurs à court de scénario.
Une série de succès s’amorce avec Berck (Sammy et Lou), Mazel (Caline et Calebasse, puis Boulouloum et Guiliguili et Les Paparazzi), Macherot (Mirliton), Walthéry (Le Vieux bleu), Counhaye (Les Naufragés de l’espace), Lambil (Pauvre Lampil), Kox (L’Agent 212), Sandron (Godasse et Godaille), Bercovici (Les Grandes Amours contrariées), Nic (Spirou et Fantasio), Carpentier (Les Toyottes), etc. En parallèle, il écrit des scénarios pour les personnages de dessins animés de la Maison (Musti, Tip et Tap, Les Pilis) et leurs produits dérivés.
S’il excellait dans l’aventure humoristique pour tous les publics et toutes les formes du gag visuel, il évoluait dans les années 80 vers des productions plus incisives, proches souvent de l’humour noir et de la parodie délirante. Ainsi le veut sa nouvelle vague de dessinateurs : Bercovici (Les Femmes en Blanc), Hardy (Pierre Tombal), Glem (Les Voraces), Laudec (Cédric et Taxi-girl), Malik (Cupidon), Bédu (Les Psy), Carpentier (L’Année de la bière, puis Du côté de chez Poje), Jean-Pol (la reprise de Sammy après le départ en retraite de Berck), etc.
Rares sont les échecs. Son imagination, la qualité de ses dialogues et le métier mis dans ses découpages qu’il livre complets à ses auteurs représentent une véritable mine d’or. Le grand public est assuré de toujours trouver sous sa signature un album populaire et agréable à lire. C’est un don et il est extraordinaire qu’il ait pu l’exercer sur autant de séries parallèles, le contraignant à fournir la matière d’une bonne quinzaine de volumes par année, sans jamais la moindre baisse de régime! Raoul Cauvin adorait chasser les idées comme d’autres les papillons. On lui fait confiance pour continuer la-haut avec tout ses copains.
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