Un vrai coup de massue, terrible que d’apprendre à l’instant le départ le 31 juillet de notre ami André Juillard. Depuis des années, depuis ces premiers albums, depuis la publication dans Midi Libre des Sept Vies de l’Épervier, nos innombrables rencontres dans le XIIIe à Paris chez lui avec son épouse Anne à laquelle on pense très fort, dans les Festivals, à Angoulême, André Juillard et son amitié faisaient partie de notre passion pour la BD, homme au talent unique, d’une rare gentillesse, élégant. On s’était passionné par exemple en privé avec lui pour Marcel Jeanjean pionnier de la ligne claire. On avait aimé Arno, Lena, Mézek, Double 7 et bien sûr les sublimes Cahier Bleu ou Arès la pluie, Masque Rouge, Plume aux vents, Le Serment des cinq lords. Tout Juillard ou rien. Une profonde tristesse nous envahit.
Une première rencontre avec André Juillard, il y a si longtemps, avait été à la fois un plaisir, un honneur et une petite peur. Celle de le décevoir lui si souvent sous le feux des questions des journalistes. Et puis d’un regard doux, teinté d’humour très british, il avait su désamorcer pour toutes nos autres rencontres cette appréhension respectueuse que l’on pouvait avoir pour le Grand Prix d’Angoulême de 1998. André Juillard c’est la plus belle palette de la BD contemporaine. Un trait inimitable, chaleureux, tendre, émouvant, fort dans l’action comme pour son Blake et Mortimer, la malédiction Voronov, ou le Testament de William S..
De Sente à Christin, Cothias, Martin, André Juillard a travaillé avec les plus brillants dessinateurs. Le départ d’André Juillard qui s’était retiré en Bretagne, continuait à exposer souvent en particulier chez Maghen. Il travaillait sur le prochain tome de Blake et Mortimer, Signé Olrik, qui se déroule en Cornouailles britanniques et doit paraître en fin d’année.
Voici le communiqué de Dargaud et sa biographie :
D’origine auvergnate, André Juillard naît à Paris le 9 juin 1948. Très rapidement, la passion du dessin est au rendez-vous. Enfant, il dévore l’hebdomadaire Tintin. La lecture des Hergé, Edgar P. Jacobs, Jacques Martin et Bob De Moor de la grande époque font de lui un spécialiste, encore inconscient, de la ligne claire. Le manuel d’histoire de la classe de sixième est sa seconde grande influence, en particulier les pages consacrées à l’Antiquité. Il ne le sait pas encore, mais sa passion pour la ligne claire, l’histoire et les histoires feront de lui un auteur moderne qui n’oublie jamais de tirer les leçons du passé. Après avoir passé son bac en 1967, il s’inscrit aux Arts décoratifs de Paris, où il rencontre Martin Veyron et Jean-Claude Denis. Au début des années 1970, il suit à Vincennes des cours animés par Jean-Claude Mézières et Jean Giraud autour du dessin. En 1974, il fait ses débuts dans Formule 1, avec La Longue Piste de Loup Gris, un western scénarisé par Claude Verrien. Ce dernier lui écrit ensuite Les Aventures chevaleresques de Bohémond de Saint-Gilles. En 1978, il dessine Les Cathares dans Djinn avant d’entamer une collaboration fructueuse avec Patrick Cothias en publiant Masquerouge dans Pif Gadget. Pour le même magazine, il dessine deux histoires de Jean Ollivier, La Ruée vers l’or et Les Frères de la côte. En 1983, il retrouve Patrick Cothias pour Les Sept Vies de l’Épervier (Glénat), une série qui connaît très rapidement un grand succès. Jouant avec les destins croisés de personnages plongés dans la grande Histoire, cette fresque picaresque, qui se déroule au XVIIe siècle, raconte l’épopée de l’héroïne, Ariane de Troïl. Dans le même temps, André Juillard illustre les trois tomes d’Arno (Glénat), sur une histoire de Jacques Martin.
L’ombre bienveillante de Blake et Mortimer se rapproche progressivement d’André Juillard. À la fin des années 1980, les éditions Blake et Mortimer, qui ne font pas encore partie du groupe Dargaud, lui proposent de réaliser le second tome des Trois Formules du professeur Sato. Mais il ne se sent pas encore prêt à relever un tel défi et décline l’offre. Pourtant, l’envie murit et la proposition reviendra. Le dessinateur devient un maître de la bande dessinée historique et réaliste. Son style clair, élégant, devient de plus en plus populaire, et on fait appel à lui pour des illustrations ou des portfolios. Il réalise de nombreuses adaptations d’œuvres littéraires pour Je bouquine ainsi que plusieurs albums historiques chez des éditeurs peu connus. De temps à autre, comme tous les grands dessinateurs, il écrit une histoire qu’il met ensuite en images. Ainsi, pour le magazine (À suivre), il publie l’intimiste Cahier bleu (Casterman) qui lui vaut, en janvier 1995, le prix du meilleur album au festival d’Angoulême. L’année suivante, il reçoit le Grand Prix du même festival. La série Les Sept Vies de l’Épervier (Glénat) étant terminée, la belle Arianne de Troïl manque autant à ses créateurs qu’au public. Nécessité faisant loi, elle revient en 1995 dans le premier des quatre tomes de Plume aux vents (Dargaud).
En 1998 paraît Après la pluie (Casterman), la suite du Cahier bleu. La même année, il imagine, avec son vieux complice Didier Convard, Le Dernier Chapitre (Dargaud), une série de quatre albums illustrés, qui met en scène la dernière aventure des plus célèbres héros de l’âge d’or de la bande dessinée. Le premier opus est, bien évidemment, réservé à Philip Mortimer et Francis Blake. En 2000, il se lance et dessine une aventure de Blake et Mortimer sur un scénario d’Yves Sente, La Machination Voronov. En 2003 et 2004, la même équipe publie le diptyque Les Sarcophages du 6e continent (Blake et Mortimer), suivi, en 2006, du Sanctuaire du Gondwana (Blake et Mortimer). La même année, Daniel Maghen sort une autobiographie en images, Entracte, qui réunit 1 500 dessins, illustrations, esquisses et croquis de l’artiste. Dans le même temps, André Juillard illustre Le Long Voyage de Léna (Dargaud), de Pierre Christin, dont la suite, Léna et les trois femmes (Dargaud) paraît en 2009.
Ses talents sont célébrés lors du festival BDFIL de Lausanne en 2008, où il est l’invité d’honneur. Une exposition, Destins-Dessins, y est d’ailleurs consacrée à son œuvre. En 2011, il dessine Mezek (Le Lombard), un one shot écrit par Yann. En 2014, il reprend, toujours avec Patrick Cothias, les aventures de l’Épervier : Quinze ans après (Dargaud) commence un troisième et nouveau cycle (troisième époque) de la série. En 2016, il sort un nouvel opus de Blake et Mortimer, toujours avec la complicité d’Yves Sente : Le Testament de William S.. Il retrouve ensuite Yann pour une autre histoire complète, Double 7 (Dargaud).
En 2020, il dessine le tome 3 de Léna, Léna dans le brasier (Dargaud). En 2021, il met en images sa dernière histoire de l’Épervier, le tome 14, puis il passe la main à Milan Jovanovic. En 2022, André Juillard rend hommage aux peintres Hokusai et Henri Rivière dans 36 Vues de la tour Eiffel (Locus Solus), un livre d’illustrations. En 2024, il finalise Signé Olrik (Blake et Mortimer), un nouvel album des héros mythiques d’Edgar P. Jacobs. Désireux de dessiner de grands paysages, André Juillard convainc son scénariste, Yves Sente, de lui proposer une histoire qui se déroule dans les paysages du sud-ouest de la Grande-Bretagne, en Cornouailles britannique. Cet album, qui doit paraître en fin d’année, sera le dernier album de sa riche carrière qu’il dessinera… En juillet de cette année, une exposition présentant certaines de ses illustrations venait d’être organisée à Tréguier, dans les Côtes-d’Armor. C’est en effet dans cette région qui lui tenait à cœur qu’il s’était définitivement installé avec sa femme, Anne, depuis 2020.
Dessinateur au style réaliste voire académique, André Juillard a su insuffler une véritable personnalité à son trait, une forme d’élégance alliée à une clarté alliée exemplaire : du très grand art. Exigeant avec lui-même, grand travailleur, il a toujours cherché à introduire plus de spontanéité dans son trait, notamment à l’encrage. Cette maîtrise remarquable du dessin via la bande dessinée a véritablement exercé une influence auprès de nombreux dessinateurs.
Ce sera ensuite les trois volumes de Léna, publiés chez Dargaud entre 2006 et 2020, la série Plume aux vents, chez le même éditeur entre 1995 et 2002, qui se raccroche aux Sept vies de l’Épervier. Ses planches connaissaient un engouement certain dans les ventes aux enchères. Une de ses planches du Cahier bleu adjugée à plus de 80 000 euros en 2019 lors d’une vente aux enchères chez Christie’s à Paris.
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André,
je suis très ému et je te dis au revoir !
André m'avait permis en 1997 de démarrer dans l'édition
de Bande dessinée. j'avais eu l'idée baroque d'aller voir
les dessinateurs que j'aimais pour leur demander
un dessin précis un hommage aux BD de notre enfance.
Il avait accepté de me dessiner un superbe hommage
à mon cher TILLIEUX : Gil Jourdan et Libellule façon
réaliste. j'avais passé 7 mois à mettre en couleur à
la main à l'aquarelle les 199 exemplaires du tirage.
Je lui dois beaucoup et j'ai toujours gardé une grande
affection pour ce talentueux et modeste créateur.
A bientôt dans l'au-delà où nous attendent toutes
celles et ceux que nous avons aimé.