Laurent Assuid est un homme de BD. Avec ses hors-séries de Tonnerres de Bulles il a rassemblé des dossiers très complets sur quelques-uns des plus célèbres noms de la BD. Après Mézières ou Bilal, c’est au tour de Derib qui a 80 ans d’être le héros d’un hors-série flamboyant, Le Dessinateur des Hautes Plaines. Yakari, Buddy Longway ou Attila, Derib depuis plus de 50 ans est un maître désormais classé parmi les grands du 9e art. Il crée à 22 ans son personnage de Yakari mais c’est avec Job aujourd’hui décédé au scénario que le petit indien prend son envol. Laurent Assuid rédacteur en chef des hors-séries s’est confié à Ligne Claire sur Derib mais aussi sur sa politique de ces numéros spéciaux fragilisés aujourd’hui par l’évolution du lectorat. Propos recueillis par Jean-Laurent TRUC.
Pourquoi Laurent Assuid ce hors-série sur Derib?
Il s’inscrit dans la lignée des hors-séries qu’on a commencé dès les débuts de Tonnerres de Bulles, le premier avec jean Giraud qui venait de décéder. On a fait ensuite un HS tous les ans et je les ai dirigés. Gotlib, Franquin, on alternait les auteurs disparus et les vivants. On a fait toutes les grandes figures et Derib c’est un auteur hors norme qui a côtoyé Jijé, Franquin.
C’est un des derniers monuments de la BD franco-belge. A travers vos hors-séries ce sont les piliers pour décrire une œuvre globale incontournable.
Avec des incursions avec des plus jeunes comme Emmanuel Lepage mais sinon il y a eu Jacques Tardi, Jean-Claude Mézières, Frank Margerin.
Et André Julliard ?
On vient de lui rendre hommage dans la revue.
Job est décédé aussi, Pierre Christin.
Derib a 80 ans et j’ai eu la chance de tous les interviewer.
L’hommage à Derib est très complet. Vous avez mis combien de temps à le faire ?
Les hors-séries étaient avant en petit format noir et blanc comme la revue. Depuis Tardi en 2018 on les fait en couleur. Il nous faut un an et le format est un peu inférieur au A4.
Vous avez présenté de nombreuses facettes du personnage, avec des angles différents et on voit que Derib a beaucoup collaboré.
Oui énormément avec l’interview et des pages dont on s’est servi pour les inserts, focus sur Peyo, Attila. Je fais toujours ça et l’ADN de la revue c’est l’interview fleuve.
Il est bien conçu avec une belle illustration par double page.
C’est un autre aspect de mon travail car je tiens beaucoup à l’image. Je viens de la presse magazine où l’image a une place primordiale. Nos hors-séries sont des books monographiques entre le magazine et le livre. Raymond Larpin qui est Suisse a fait l’interview. Et il n’habite pas très loin de chez Derib. On n’hésite par à faire courir l’interview sur plus de 40 pages. Il faut le rythmer, avec l’aide par excellence de Patrick Gaumer. Il a fait un article biographique pour Derib.
Vous bâtissez un chemin de fer, vous faites des choix éditoriaux ou c’est chaque fois la même maquette ?
Non il bouge selon la carrière de l’auteur. Cette fois je trouve amusant de faire ressortir ce qu’il a dit sur Peyo, Franquin, signaler son personnage Attila moins connu. Il faut varier les angles pour capter le lecteur. Il y a deux rubriques importantes dont celle de Philippe Morin sur les fanzines, un regard très original à chaque hors-série cette fois à travers l’œuvre de Derib. La seconde qu’on adore c’est l’hommage dessiné ou en texte vu par ses amis, Lepage, Zep, Girod. Il n’y a pas plus précis qu’un auteur qui parle d’un confrère et c’est passionnant.
Comment est reconnu Derib ? Un pape de la BD ? Il est très jeunesse.
Ce qui ressort c’est que pour les Suisses, les auteurs, Derib est un totem. Cosey en parle avec émotion. Dans notre édito on dit que sa vie a été un combat contre l’autorité des éditeurs, l’ignorance des médias ou l’indifférence générale pour les problèmes sociaux. Il les a abordés souvent et ainsi on balaye toute la carrière. Il n’est pas qu’un auteur jeunesse.
Son Buddy Longway est plus social.
Humaniste même, le rôle de la femme dans Chinook. Le numéro sur Derib est sorti sous deux formes, un tirage spécial, cartonné dos toilé et un tirage classique broché. Le numéro sur Mézières est exceptionnel. Christin avait commenté tous les albums.
Votre bouquin fait référence, ça rebondit, ça s’enchaine. En fait ça coule de source, la typo, les vignettes, de beaux habillages.
Je me creuse la tête souvent mais je m’amuse. Bilal j’ai passé dix heures avec lui. Je suis graphiste et j’ai bossé dans la presse musicale. Aujourd’hui encore. Je suis passionné de rock. Je travaille aussi pour un magazine sur le rock francophone, FrancoFans.
Alors là on n’en parle pas, je prends un peu de champ et à priori il n’y aura plus de hors-série. Le tirage est faible et les monographies se vendent mal. Les gens préfèrent acheter des BD en priorité, surtout les jeunes. Pourtant on tient bien la rampe.
Peut-être une question de génération.
Pourtant quand j’étais jeune il n’y avait pas internet donc on se jetait sur les revues avec des interviews. La presse papier était la référence. Un autre aspect un peu cruel qui est remonté des libraires c’est quand il y a un hommage à Mézières. Comme rien ne sort plus de lui ça ne marche pas. On fait pourtant un travail exhaustif.
Votre travail est de mémoire, on peut y trouver de références qui font date.
On essaye de ne pas faire comme les autres. On est un peu seul mais c’est compliqué.
Pour tout ce qui concerne la BD, le prix, la surproduction.
C’est vrai même si j’aime le travail d’édition. On est entre 20 et 30 euros aujourd’hui pour une BD. C’est cher. Nous, on ne sait pas si on va continuer.
Tonnerre de Bulles, Hors-série, Tome 12, Derib, Le dessinateur des hautes plaines, 31 €
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