Une double actualité pour l’un des plus talentueux et subtils auteurs italiens. Antonio Lapone publie Greenwich Village (scénario Gihef) et expose en même temps ses planches originales à la galerie Champaka à Paris pendant un mois. Lapone a dessiné le New-York des années soixante, d’un trait léger, chaleureux, pour une histoire qui n’a rien à envier aux plus souriantes des comédies américaines de la grande époque. Texte et photos : J-L. TRUC
Ils ont en commun cet amour de la comédie, Lapone et Gihef. « On voulait travailler ensemble et c’est ce qui nous a rapproché ». Pour Lapone, le dessinateur, le choix de Greenwich Village en 1960 était celui du berceau de l’art, de la liberté dans un monde où le commerce régnait en maître. « Greenwich en 1960 à New-York, c’est la Bohème en 1930 à Paris », compare Lapone. Son héroïne est une hôtesse de l’air, jolie, fantasque. « On m’a dit que c’était un choix délicat car il y avait déjà eu en BD Natacha. Mais aujourd’hui le public n’est plus le même et ne sait plus vraiment qui est Natacha. Le ton de cette BD n’est pas le nôtre, plus proche de la série Mad Men par exemple ». A noter qu’une série TV Pan Am qui n’a duré malheureusement que douze épisodes racontait la vie des hôtesses en 1960 à une époque où voyager en avion était encore une expédition. Lapone voulait donner envie de rêver et avec Gihef ils ont travaillé ensemble l’idée.
« On a beaucoup travaillé les seconds rôles dans la BD, comme dans les comédies US. Idem pour le découpage, le rythme de l’histoire sur lequel je me suis largement investi ». Le projet datait de 2012. Il a fallu chercher un éditeur. Pas simple. C’est Kennes éditions qui a accepté le projet. Et a fait le bon choix car Greenwich Village, le tome 1, Love is in the air, est un petit bijou d’humour et de joie de vivre qui aura une suite. La maison dans laquelle se passe le premier épisode sera en effet le fil rouge de la série.
« On a voulu faire un bon cocktail, une comédie, des situations rocambolesques, un héros sérieux dans la lignée des films avec Cary Grant, James Stewart, Doris Day ou Shirley Maclaine, quelques références à l’actualité comme J.F.K ou le Vietnam », poursuit Lapone. Les codes du genre sont rassemblés dans Greenwich Village. Lapone a un dessin très esthétique. On le voit à la galerie Champaka. Antonio Lapone, dont on avait adoré Adam Clarks son cambrioleur en 2014 ou A.D.A. il y a plus longtemps, a envie de rendre les gens heureux , « de les rendre optimistes. On peut jouer avec les genres. J’adore Tarantino qui fait des films fous, violents mais où on rit ». Et d’ajouter une anecdote : « Chez un libraire j’ai entendu un monsieur demander une belle histoire pour son petit-fils. On lui a proposé Tintin ou Astérix. Bon, je veux bien ».
Pour revenir à la suite de Love in the air, premier épisode de cette comédie sentimentale et romantique, Lapone et Gihef, toujours dans la maison de Perry Street à Greenwich Village, signeront un polar mais souriant. Bebe et Norman sont partis en voyage de noces et un voleur intègre les lieux. What’s New, Pussycat ? sera le titre. Un clin d’œil bien sûr comme ceux nombreux que Lapone a glissé dans l’album, de Tati à Hitchcock ou Bob Dylan qui font de la figuration amicale. Lapone a voulu être très fidèle au Greenwich Village des années soixante : « Un gros travail de documentation, de recherche, des travaux préparatoires qu’on pourra d’ailleurs retrouver dans le projet de tirage de luxe de ce premier tome de Greenwich Village qui devrait sortir pour les Fêtes ».
Et puis Lapone a aussi des projets. Le tome 2 certes de Greenwich Village et un Artbook. Antonio Lapone est en perpétuel mouvement créatif. Son exposition chez Champaka est aussi à ne pas manquer. Planches et illustrations sont un vrai plaisir pour les amateurs d’art et les fans de cet auteur au très large potentiel.
Greenwich Village, Tome 1, Love is in the air, Kennes Éditions, 10,99 €
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