Toréador prend garde, c’est pour faire simple le souvenir qu’on la plupart des gens de Carmen. Et de l’opéra de Bizet en 1875 dont le livret a été signé par Henri Meilhac et Ludovic Halévy. Quant à savoir que Carmen a été inspiré par une longue et superbe nouvelle de Prosper Mérimée, sans vouloir être pessimiste, on serait surpris par les réponses des inconditionnels de l’opéra (l’un des plus joués au monde) dans lequel la belle mais cruelle Carmen déclame que l’amour est un enfant de Bohème. Et où à Nîmes parfois dans les Arènes une véritable corrida a lieu pendant la représentation. D’où l’excellente idée d’avoir sorti le Carmen de Mérimée illustré par Benjamin Lacombe de belle façon. L’écriture de Mérimée, écrivain mais aussi archéologue qui se balade en Espagne, est en fait très moderne, sorte de témoignage, de journal, d’enquête sur une femme mystérieuse, une gitane ensorcelante et qui, on le sait va payer de sa vie la passion et la jalousie qu’elle suscite chez les hommes. Le tout se retrouve dans un véritable écrin rehaussé d’une couverture splendide dont se détache en relief le portrait de Carmen coiffée de sa mantille, véritable toile d’araignée qui symbolise que tout homme tombant dans ses filets est en danger.
Elle a le cœur en flammes Carmen que Benjamin Lacombe rajeunit par son dessin. Prosper Mérimée et son guide tombe sur un noble brigand, José Maria, recherché pour meurtre dans toute l’Andalousie. C’est bien lui Don José que Mérimée va sauver de l’arrestation par les lanciers royaux. A Cordoue, Mérimée rencontre Carmen, la Carmencita. Don José en est amoureux fou. Arrêté par la police, condamné à mort, il va se confier et lui raconter sa vie qui est passée avant tout par sa folle passion pour Carmen.
On retrouve avec un vrai intérêt le texte de Mérimée qui est le narrateur de ce drame dont on sent bien qu’il a pour Carmen lui aussi une attirance certaine. La construction littéraire est typique de Mérimée. On retiendra Le Carosse du Saint sacrement et ses Notes d’un voyage en Corse. Colomba aussi pour qui voudra se pencher plus avant sur l’œuvre d’un auteur pas si éloigné de Daudet. Mérimée est un voyageur impénitent et un archéologue de profession ce qui se ressent aux notes dont il parsème son récit. Benjamin Lacombe a noirci sa vision de Carmen, tout en rehaussant sa beauté fatale. La mort règne, Carmen, amoureuses volage, tisse sa toile et elle en paiera le prix mais en assumant totalement son choix de vie. La mise en page, fond papier noir, lettres blanches est bien choisi, impressionnante. Ce Carmen dans cette version complète avec le chapitre IV sur les Bohémiens, vision certes partisane mais l’époque le voulait, et ses annexes dont Une Lettre d’Espagne de Mérimée mérite toute sa place dans une bonne bibliothèque. Mérimée et Lacombe forment un duo étonnant de romantisme et de talent. Le travail éditorial a été remarquable de la part de la collection Métamorphose.
Carmen, Métamorphose Soleil, 32,50 €
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