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Interview : La Mort vivante signé par Olivier Vatine et Alberto Varanda premier titre du partenariat Comix Buro-Glénat

Une évolution ou une révolution ? Après Ankama ou Rue de Sèvres, Comix Buro, basé à Montpellier, a conclu un partenariat éditorial avec Glénat il y a un an. Premier bébé de cette union, La Mort vivante de Varanda et Vatine, attendue depuis cinq ans, un album superbe qui sort le 22 août. Mais ce n’est qu’un début. Retour sur une aventure éditoriale atypique. Propos recueillis par Jean-Laurent TRUC.

Alberto Varanda. JLT ®

Alberto Varanda, revenons pour commencer sur l’album La Mort Vivante qui sort. C’est l’adaptation d’un roman de Stefan Wul dans lequel des parents veulent ressusciter leur fille. Pourquoi avoir mis autant de temps à le faire ?

Alberto Varanda : Pour deux raisons, l’album a été long à faire en raison de ma façon de travailler avec un dessin très précis. C’était épuisant et puis il fallait sortir en même temps les autres albums de la collection Wul chez Ankama.

On a vu en 2013 les statues préparatoires que vous aviez faites. L’album a effectivement dû demander un travail impressionnant de par sa méticulosité, sa précision graphique. Vous vous étiez donné comme référence le graveur Gustave Doré ?

Alberto Varanda : Je savais dès le départ à quoi ressemblerait l’album. Après y arriver, c’est autre chose mais je ne savais pas que cela prendrait autant de temps. Au début j’ai beaucoup regardé comment Gustave Doré faisait au XIXe siècle. A la fin j’avais trouvé mon propre chemin. J’y ai pris beaucoup de plaisir. Il faut dire que sur deux de mes pages il peut y avoir autant de traits que sur un seul album de certains auteurs.

Olivier Vatine. JLT ®

La Mort Vivante s’inscrit dans le partenariat Comix Buro avec Glénat. On y reviendra. L’ambiance est très gothique et horrifique, fantastique. L’adaptation a été compliquée à faire au niveau scénaristique ?

Olivier Vatine : Ce qui était difficile, c’est que cela commence comme de la SF et au bout de 20 pages dévisse sur de l’horreur avec des références à Frankenstein. Alberto venait souvent ici et on a beaucoup travaillé pour en arriver à ce résultat.

Alberto Varanda : Il y a eu un partage tout au long de l’album même si c’est Olivier qui a tout écrit. On a échangé nos idées. Je savais ce qu’Olivier allait écrire.

Olivier Vatine : On a respecté la structure du roman. Le gros changement concerne le personnage de Joachim qui est âgé dans le roman. Pour nous, il était plus intéressant d’avoir un jeune type pour jouer encore plus le contraste entre lui et Martha, un gars un peu puceau qui va tomber dans ses bras.

La version couleur Canal BD

Tout le reste est fidèle au roman ?

Olivier Vatine : Oui. Dans le roman la petite fille se fait mordre par un lézard. Dans l’album c’est le poulpe géant qui est le catalyseur des évènements futurs.

Votre travail graphique a été totalement traditionnel ?

Alberto Varanda : Je ne me suis servi de l’ordinateur que pour monter des crayonnés. Non, tout est fait à la main sur papier. Les couleurs sont sur écran. Ma part de boulot je l’ai axée sur le noir et blanc pour qu’il se suffise à lui-même. La couleur ce sera un autre album. C’est un album gothique. La couleur apporte une autre ambiance.

Il y a beaucoup d’élégance dans votre dessin et dans l’album en général.

Alberto Varanda : L’horreur n’en est que plus efficace. Ce que je retiens ce sont les rapports humains et l’atmosphère qui apparaissent au fil des pages. Il me fallait effectivement essayer de faire un album élégant.

On parlait de Frankenstein et de Mary Shelley. Wul s’en est inspiré ?

Olivier Vatine : Oui, j’en suis persuadé. Il l’a lu ou relu. Il faisait pendant un mois un livre et le laissait reposer. Celui-là c’est vraiment à part. Il est bourré de références.

Des planches originales

Dès le début de l’album, au moment de la mort de la fillette, on sent que le poulpe géant sera à la base de l’évolution future de l’histoire. Dans le roman c’est pareil ?

Olivier Vatine : Non. On est dans le contexte de Fleuve Noir à l’époque. Le lézard qui mord la petite fille est irradié. Moi je voulais pouvoir justifier cet échange d’esprit entre le poulpe et l’enfant. On a voulu garder le côté progressif des genres jusqu’au début dans le château. On passe ensuite pour un temps au roman scientifique.

Alberto Varanda : C’est une fuite en avant. Quand le clone de la fillette se transforme en monstre cela va assez vite. La panique est d’autant plus pressante.

Olivier Vatine : Il y a fusion des héros à la fin puis peut-être destination Mars où les poulpes pourraient se venger.

Vous auriez pu prévoir une suite ?

Alberto Varanda : C’est prévu pour l’année prochaine (rires). Non, mais tu n’es pas le premier à nous poser la question.

Olivier Vatine : Ça peut ressembler à une fin ouverte mais non.

L’histoire est accélérée en fait par un accélérateur de vieillissement du clone de la fillette qui évite dix ans de croissance ?

Olivier Vatine : Oui, pour rester dans la temporalité scénaristique qui garde aux autres personnages leur aspect physique.

Comment ont-été créés le dessin des personnages ?

Olivier Vatine : C’est Alberto qui a fait ses recherches. J’avais fait un petit cahier de style, une base de discussion, avec des photos parfois d’acteurs tirés des films Universal des années 30, les premiers Frankenstein pompés sur l’expressionnisme allemand.

Alberto Varanda : Olivier avait des idées de physiques, avec des pistes. C’était bien car partir dans le vide, c’est pénible de travailler. Ensuite, ils ont évolué au fil de l’album.

La Mort Vivante c’est aussi un symbole éditorial pour Comix Buro ?

Olivier Vatine : Un album symbolique effectivement car le premier du nouveau Comix Buro, en partenariat avec Glénat. Alberto était déjà là avec Attakus. On aligne les planètes. C’est logique que son album soit le premier.

Alberto Varanda : Je suis content qu’il sorte maintenant malgré le retard.

Olivier Sztejnfater : Il y aura une version couleur classique, une version couleur Canal BD avec un cahier graphique de huit pages et une version grand format noir et blanc.

Alberto Varanda, quels projets après La Mort Vivante ?

Alberto Varanda : J’ai un autre projet avec Comix Buro, trois albums avec des petits super-héros à l’échelle enfantine. Je ferai scénario, dessin et couleur. Je vais commencer à la fin de l’année. J’aimerais bien faire un album par an. Je vais jouer à Stan Lee avec mes Little Heroes.

Olivier Sztejnfater. JLT ®

Passons au partenariat et aux albums qu’il va générer dont La Véritable histoire des Franges ou L’Orphelin de Perdide T1. Revenons d’abord sur le partenariat en tant que tel.

Olivier Sztejnfater : Rapidement, on a été éditeur délégué pour Rue de Sèvres et Ankama. On a préparé beaucoup de projets qu’on voulait éditer nous-mêmes avec Olivier mais il fallait trouver un partenaire économique pour sortir nos propres BD. On n’a pas de fond en fait hormis pour les sketch books. On a discuté avec pas mal d’industriels de la BD auxquels on a dit qu’on avait un certain nombre de BD en route. On avait besoin de s’associer pour sortir tout notre programme, diffuser, éditer. C’est avec Glénat qu’on a eu la meilleure proposition il y a un an. Même si ce n’était pas au départ avec Glénat.

Pourquoi alors avoir préféré Glénat ?

Olivier Sztejnfater : Pour notre indépendance éditoriale totale. On choisit les titres avec Olivier Vatine. C’est un partenariat à part égales, investissement et bénéfices. Glénat nous fait l’avance de trésorerie. Du coup c’est normal qu’on présente nos projets à Glénat, qu’on les défende et qu’ils prennent ou pas. Le deal est aussi qu’on ne nous impose pas de projets. Il y a aussi une exclusivité morale dans notre partenariat avec eux.

Vous avez défini un nombre d’albums à sortir ?

Olivier Sztejnfater : Oui, dix à quinze par an. Avec plusieurs prêts à être publiés. Il fallait un éditeur qui n’ait pas que les moyens financiers mais aussi structurels. La promo, le marketing, le service de presse. On n’est pas une filiale de Glénat. On est un partenaire mais il va falloir résoudre une ambiguïté même dans le discours interne chez Glénat. On n’est pas une collection donc on pourrait devenir une division. Ils en ont conscience. Quand les albums sortiront on verra le logo. Il y avait aussi le souhait de faire le prépresse, le montage, la PAO à Montpellier.

Il y avait des projets anciens. Il fallait finir les Wul. Il s’est passé trois ans où des projets étaient déjà en train dont la plupart des prochaines sorties. On en est à une vingtaine en développement qui existaient avant le partenariat. C’est le programme qu’on a présenté. Ils ont réagi et ils ont compris ce qu’on voulait.

Quels enseignements avez-vous tiré d’un autre partenariat, celui d’Infinity 8 chez Rue de Sèvres ?

Olivier Sztejnfater : Une bonne expérience, compliquée, lourde à gérer, fatigante mais avec des pros. Trondheim, Vatine, que des réactifs. Un gros vaisseau avec de fortes personnalités mais passionnant. J’ai fait un stage d’éditeur en accéléré.

Dans les prochains albums on est pour Perdide dans du Space Opera avec un brin de Valérian, de Star Wars ? Et les autres albums ?

Olivier Sztejnfater : Perdide, c’est exactement ça. On veut toucher un public large. Franges c’est un peu cartoon. On a aimé l’histoire, le dessinateur dont c’est la première BD, un jeune auteur de 50 ans. Héros du peuple c’est les X-Men en Chine. Hautière et Vatine font comme Varanda leur Stan Lee. On essaye d’avoir une poignée de bons scénaristes comme Hautière. Hope sera signé par Fane, un huis-clos dans l’espace, le tome 1 sort en janvier. On fera une présentation à la rentrée des projets à venir. On a récupéré aussi chez Rue de Sèvres les droits d’adapter l’émission Rendez-vous avec X en BD, un projet à nous qu’on leur avait vendu. Ils nous ont laissé le récupérer et il y a trois albums de finis.

Ce partenariat ne va pas augmenter le personnel de Comix Buro ?

Olivier Sztejnfater : Non. Le fait de se reposer sur Glénat c’est confortable. Je n’ai pas besoin d’embaucher une attachée de presse, un directeur commercial. Notre gestion est carrée. On est observateur du marché de la BD depuis des années. On fait des bilans réguliers car il faut rester très attentif.

Deux sculptures préparatoires signées Varanda pour La Mort vivante. JLT ®

Comment voyez-vous justement évoluer le marché de la BD ?

Olivier Sztejnfater : Je ne sais pas. On va se plaindre de la surproduction et nous on arrive pour faire dix albums de plus. On est trois éditeurs et on a des auteurs qui nous rejoignent parce qu’ils ont là où ils sont des éditeurs débordés. On ne veut pas tomber dans ce travers. On a préféré pour cela le partenariat sinon il faut faire beaucoup de chiffre d’affaire donc beaucoup de bouquins, de l’argent pour amorcer la pompe.

Alberto Varanda : Ils prennent soin de leurs auteurs chez Comix. Je n’ai jamais été seul du début à la fin pour faire La Mort Vivante. Chez d’autres on ne me posait aucune question et j’étais très seul.

La Mort Vivante, Comix-Buro Glénat, 15,50 €
La Mort Vivante, Comix-Buro Glénat, Édition luxe noir et blanc grand format, 29,50 €
La Mort Vivante, Édition collector Canal BD, 17, 50 €

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