L’Histoire, la grande fait toujours recette auprès des lecteurs. La BD depuis bien longtemps a pris l’Histoire comme support. Dernières arrivées dans la lice, trois nouvelles séries historiques au très bel emballage chez Delcourt, dos toilé et dorure. La Couronne de France et ses rois, les Civilisations et peut-être, au moins avec ce premier album la meilleure des portraits de grands noms de français comme Robespierre, personnage complexe et ambigu que l’album qui lui est consacré cerne, redécouvre. Au total ce sont une douzaine d’albums à forte pagination que ces trois collections comportent.
La Couronne de France tome 1, ce sont deux Philippe qui en sont les héros. De Philippe Auguste (1165-1223) à Philippe le Bel, de 1165 à 1314 on peut dire qu’ils ont commencé à bâtir la France. Jean-Pierre Pécau scénariste spécialiste en la matière au scénario pour les deux rois, Milan Jovanovic pour le premier au dessin partent sur les traces de Philippe II Auguste qui va être le premier à être proclamé roi de France. Inquiétudes pour le jeune dauphin et un homme en capuche qui semble le suivre au fil des ans, un charbonnier. En Angleterre les Plantagnet sont sur le trône. Philippe devient roi à 15 ans et il va étonner sa cour, signe un traité avec Henri II se rapproche du futur Richard Cœur de lion. Pas d’états d’âme Louis qui répudie son épouse, pique à son père roi agonisant le sceau royal qui lui avait transmis le pouvoir. Batailles sanglantes et politique sans pitié, Philippe sera aussi Croisé mais en guerre avec Richard. Normandie, Flandre, Poitou passent sous l’autorité de la couronne de France. Ensuite pour Philippe IV Le Bel au dessin il y a Fabrizio Faina, Marco Pizi, un trait de qualité et parfait pour le sujet. Le Bel arrive après des comme Louis IX, Saint-Louis, qui eux aussi agrandissent le royaume. Languedoc, Provence, l’Auvergne etc… Philippe III dit le Hardi va quand même faire une erreur stratégique sur ordre du Pape, tenter de prendre l’Aragon. La retraite sera sanglante, il meurt, son fils lui succède comme Philippe IV (1268-1314) dit le Bel. Il veut la paix en France, sacré roi à Reims et toujours ce charbonnier qui apparait et disparait. Philippe a besoin d’argent, ce seront les banquiers juifs et lombards. Il y a aussi deux papes, autant faire un choix. La guerre reprend. Aquitaine et Guyenne reviennent à la France. Et puis il y aura les Templiers dont l’ordre est réduit à néant car trop puissant et riche. La Tour de Nesles aussi et les princesses dévoyées. Un premier tome pour deux rois et un faible pour Le Bel.
La Couronne de France, Tome 1, De Philippe Auguste à Philippe le Bel, Éditions Delcourt, 29,95 €
Civilisations, Crète par Simona Mogavino au scénario, Carlos Gomez au dessin au réalisme exacerbé et trop figé. Une part de fantastique dans cette série en trois albums de la Crète à Rome en passant par l’Égypte. La fin du monde prévue par les sages et la Mer Égée à Santorin 600 avant J.-C. qui se nommait à l’époque Théra. Barsabas est de retour. Mais le palais royal est de plus en plus exigeant. Un présage a été vu par une vieille femme. Des monstres arrivent et la civilisation minoenne guidée par une société matriarcale est menacée. Dans ce récit, d’anciennes vérités et mythes perdus tels Minos, Ariane et les mystères du labyrinthe du Minotaure résonnent de nos jours dans une histoire qui explore la résilience humaine face à la majesté de la nature. On va le dire de suite. Difficile d’accrocher car l’intrigue est trop tarabiscotée, complexe et finalement hors propos car trop éloignée d’un authentique récit historique même si on y parle de mythologie. Dommage. On verra ce que donne les prochains tomes.
Civilisations, Crète, Éditions Delcourt, 29,95 €
Robespierre, le sphinx mélancolique est sans problème le meilleur titre de ces nouvelles collections. Le choix de l’homme d’abord auquel aujourd’hui encore on fait référence selon les bords. Grand homme, républicain fervent ou bourreau sans pitié qui finira lui aussi comme ceux qu’il y a envoyé sous la guillotine ? Assez curieusement on se prend presque d’affection pour lui que Makyo au scénario montre sous toutes ses facettes. Le dessin aussi de Simone Gabrielli n’y est pas pour rien, efficace et séduisant. Enfin on est avec Robespierre en terrain connu, celui de la Révolution de 89 avec Danton qu’il va éliminer, Saint-Just, son ami Camille Desmoulins qu’il accuse et ne sauve pas de la mort, Marat et sa baignoire, Louis XVI dont il aura la tête alors qu’il se proclame pour la fin de la peine de mort. Un vrai cas d’école Maximilien Robespierre qui confie ses souvenirs à Éléonore, 35 ans de vie, le combat de Maximilien contre Robespierre. Sa jeunesse, la mort de sa mère, un chagrin immense. Robespierre, ses discours, ses textes que l’on ferait bien de relire avec cet album, les extraits de Rousseau qu’il cite « le premier pas vers l’inégalité et le vice, chacun commença à regarder les autres, voulu être regardé soi-même et l’estime publique eut un prix ». Le lycée où il sera raillé car bosseur, son père a pratiquement disparu, il est surnomme le bâtard de Rousseau. On va l’appeler à Louis le Grand le sphinx mélancolique. La fuite du roi, son discours au club des Jacobins et un souvenir de jeunesse où le roi avait été pitoyable à son égard. Ce sont les textes une fois de plus dans cet album qui font partie de sa richesse. Robespierre le royaliste ? Prix au piège de sa propre intransigeance, il aurait rencontré le roi avant sa mort ? Il aurait peint avec David ? Licences scénaristiques ? Peu importe en fait mais on se plonge sans retenue dans ces pages aux couleurs sombres comme la Terreur à venir, l’Être suprême. Il acceptera sa chute alors que vraisemblablement il aurait pu s’en tirer mais la vérité d’abord, pas d’autre défense pour lui. Étonnant personnage et là une page d’Histoire remarquablement transcrite à lire absolument.
Robespierre, Le sphinx mélancolique, Éditions Delcourt, 27,95 €
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