En adaptant en BD le premier roman de la trilogie berlinoise de Volker Kutscher, Arne Jysch lui a donné le titre de la série TV dont deux saisons ont déjà vu le jour, Babylon Berlin. Un flic de Cologne vient se mettre au vert à Berlin et hérite d’un Poisson mouillé, titre du roman, nom d’une affaire tordue qui ne sera pas élucidée. Au moins officiellement. Le roman avait fait un vrai score à l’époque, en 2010. Il s’inscrivait dans la lignée à succès des polars historiques qui ont pour cadre l’Allemagne de 1930 à 1945. Philipp Keer avait lui aussi inauguré le genre avec son héros Bernie Gunther, flic à la criminelle de Berlin. Kerr est malheureusement décédé mais il avait pu lui faire vivre une bonne dizaine d’aventures jusqu’au début des années cinquante, toujours avec la guerre, seconde ou froide, en toile de fond. Un dernier roman reste à venir.
Avec Volker Kutscher qui pourtant est donné comme ayant participé au scénario, l’ambiance dans le livre est plus noire, pessimiste, ambiguë. Berlin est en plein lutte politique, rouges contre bruns. La série a totalement conservé l’ambiance du roman avec des acteurs impressionnants de talent, Volker Bruch en commissaire Gereon Rath, et la très percutante Liv Lisa Fries en Charlotte Ritter. Quand on lit l’album, quelques heures après voir fini la saison 1 de Babylon et qu’on rentre tout juste de Berlin via l’Alexanderplatz, on ressent comme une petite déception alors qu’on en espérait beaucoup. Avec ce Babylon, il y a du Maigret à la sauce berlinoise. Et une seconde vision du roman. On attendait avec impatience le début des aventures de Rath en BD.
1929, à Berlin la République de Weimar commence à vaciller sous les coups des extrêmes, communistes et fascistes. Gereon Rath y a été muté pour l’éloigner de Cologne où son père est le patron de la police. Gereon a commis une bavure dans son droit mais que la presse ne laisse pas passer. Il est muté aux moeurs et rêve de la criminelle. A son domicile, il est agressé par un Russe qui le prend pour l’ancien locataire, Kardakov. On retrouve un corps dans le canal. C’est l’agresseur torturé de Gereon. Charlotte secrétaire à la Police, suit l’enquête. Comme Bruno Wolter, le patron de Gereon. Ils font une rafle dans le milieu des films pornos et poursuivent l’un des acteurs, Kraïevski qui va devenir leur indicateur. Le 1er mai une manifestation communiste tourne au carnage. Wolter organise une réunion d’anciens combattants de 14 où va Gereon. Il tombe sur un jeune policier, Jänicke qui semble enquêter sur les participants. Gereon entend parler pour la première fois de l’or russe des Sorokin introuvable. Il semblerait avoir réapparu à Berlin. Bath essaye de remonter la piste russe. Il entame une liaison avec Charlotte et découvre que dans l’affaire il y a une chanteuse de cabaret, la comtesse Sveltana Sorokina. Une nouvelle piste s’ouvre à lui.
Premier point, Gereon Rath, dans la BD, n’a pas la force visuelle de l’acteur Volker Bruch, ni son côté tourmenté, perdu et pourtant déterminé. Il est de plus victime d’un phénomène post-traumatique dû à la guerre, imposant pour le récit. C’est moins flagrant pour Charlotte dont Jysch gomme, ce qui n’est pas plus mal, les origines sociales. Reste que si on a aimé le reconstitution de Berlin de l’album en noir et blanc, cette adaptation a fait des choix très différents de la série qui, elle, donne aussi une vision de Berlin plus proche de Cabaret. Et inversement. L’adjoint de Rath est un méchant, l’or est plus prioritaire que les films pornos qui joue un rôle clé dans la série. En découvrant la BD, sans rien connaître du Poisson Mouillé ou de la série (la saison 2 est sortie, la 3 en marche), les amateurs de bons polar seront satisfaits. Pour les autres, malgré le travail impressionnant de Arne Jysch, il y aura un léger manque.
Babylon Berlin, Glénat, 16,95 €
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