Reinhard Kleist signe une tragédie authentique, revient sur le destin d’un grand boxeur qui va être l’acteur d’un drame sur le ring qui le marquera à jamais. Knock Out, ou le KO, remarquable roman graphique en noir et blanc, retrace le parcours émouvant, triste de Emile Griffith, originaire des Caraïbes et qui, à New York après la guerre, commence la boxe sans vraiment le vouloir. Sa carrure et sa force physique sont sa carte de visite. Griffith, un brave gars, loin de vouloir devenir une star, aime la mode et les hommes. Il devient pourtant champion, multiplie les titres mais on est aux USA, pays sans pitié, égoïste, cruel. Un drame arrive. Ce sera Plus dure sera la chute, titre d’un film inégalé avec Bogart qu’il faut absolument voir sur la boxe de ces années là.
Un Noir âgé se fait agresser à coups de batte de baseball parce qu’il est homosexuel. Mal en point, il est aidé par un type dissimulé sous une capuche et qui porte des gants de boxe. Les deux hommes semblent se connaître. Peu à peu, Emile Griffith lui raconte comment il est monté pour la première fois sur un ring. Jeune, il est très costaud après avoir travaillé comme ouvrier agricole. Son patron, Monsieur Albert, chez qui il fabrique des chapeaux, le remarque et le présente à un entraîneur dans une salle de boxe. Griffith aurait préféré le baseball mais à l’époque un joueur noir professionnel c’est impossible. Sa mère, Mommie, qu’il adore, vit avec lui à New York. Au premier combat qu’il gagne, elle devient sa supportrice en chef. Tout va très vite. Il n’a pas envie de boxer et devient malgré tout un champion. Tout en inventant des chapeaux qui finissent par s’arracher.
La suite, il y a toutes les pages de Kleist pour la découvrir. Griffith était un brave type qui a été le jouet de passions, de petits arrangements dans un milieu sans pitié et sans loi, incapable de réagir, de faire des choix indépendants. Il va être champion du monde et devenir riche ce qui lui permet d’aider sa famille mais l’enferme dans une spirale infernale. Il est noir et homosexuel. Jalousie si ce n’est haine, mépris et racisme malgré ses évidents talents de grand sportif, et enfin un accident imparable vont transformer sa vie en tragédie. Kleist décrit à merveille le milieu de la boxe qui détruit peu à peu des hommes abrutis par les coups au moins à cette époque pas si lointaine où ça doit saigner sur le ring. Une biographie, une chronique, un édito, un roman, Kleist (dont on se souvient de Le Boxeur ou Rêve d’Olympe) apporte une émotion sincère et forte dans son récit dessiné au trait sans concession, percutant et rageur. Sortie le 10 juin.
Knock out !, Casterman, 18,95 €
Articles similaires