C’est une tradition finalement bien française que l’abolition de la peine de mort a placé aux oubliettes mais qui a laissé des traces ineffaçables. En France on avait des bourreaux officiels, généralement des familles qui se transmettaient pratiquement la charge de père en fils. On se souvient des Sanson sous l’ancien-régime qui seront à l’occasion des personnages de BD ou de romans policiers historiques. Avec les Deibler on reste dans la même veine. Dans la peau du bourreau c’est Anatole Deibler qui a vécu de 1863 à 1939 (avec 400 exécutions) que Olivier Keraval au scénario (Un Amour de guerre), Luc Monnerais aux illustrations mettent au pied de la veuve. Toute une époque c’est vrai pour ce bourreau dont le nom est resté dans les annales et qui a vu passer quelques-uns des plus célèbres criminels du XXe siècle.
Anatole va suivre son père à Paris. Il officiait à Alger, son grand-père à Rennes. Une vraie tradition de famille de couper les têtes. Anatole a jeune d’autres préoccupations de Jules Verne à Dumas. La peine de mort est pour le moins populaire à la fin du XIXe siècle. Mais Anatole hait le mot bourreau. Il va quand même faire ses premières armes à 18 ans, l’odeur du sang ne le quittera plus. Direction Alger pour aider le grand-père en 1885 qui lui apprend le métier après un service militaire difficile où il est la cible de tous, bourreau en herbe. Les Deibler sont une lignée issue d’Allemagne. Anatole se met à tenir des carnets où il note ses exécutions, les détails, les causes. Retour en France auprès du père comme assistant.
Peux-t-on parler de saga avec cette balade sanglante où s’accumulent les têtes coupées en prime en public ? Oui si on s’arrête sur anarchisme, bande à Bonnot, Landru et sa cuisinière, grande histoire. Et surtout elle est utile par ses côtés horribles, inhumains pour ne jamais remettre en cause l’abolition. Car les opinions redevenues favorables à la peine de mort tournent aujourd’hui à 55 % comme le rappelle dans sa préface l’ancien maire de Rennes Edmond Hervé. Alors, oui, les mémoires de Deibler, la force des textes qui montrent qu’on peut s’habituer au pire, celle des dessins sont à prendre en compte afin de servir de mémoire du pire.
Dans la Peau du bourreau, Locus Solus, 25 €
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