On l’avait laissé en compagnie de la Vierge et de la Putain. On le retrouve avec Jésus et Fouché, le révolutionnaire sanguinaire, futur ministre de la Police de Napoléon. Nicolas Juncker fait un grand écart en racontant les faits, bienfaits et méfaits de deux personnages que tout oppose. Il a scénarisé Un jour sans Jésus (Vents d’Ouest) prévu en six albums et Fouché publié en trois (Les Arènes). Pour son Diable et le bon Dieu, Nicolas Juncker revient sur ses choix d’écriture et son abandon provisoire du dessin. Cet article a aussi paru dans le numéro de janvier du mensuel ZOO. Jean-Laurent TRUC
Et Nicolas Juncker fait monter la sauce car tous les partis en présence vont mettre leur grain de sel dans l’affaire. Rien de sérieux dans Un Jour sans Jésus : « On est dans l’humour. Je n’avais aucune connaissance théologique pour aller plus loin. Le comique vient des apôtres qui courent après un cadavre qui a disparu, le tout sur fond d’imbroglio politique, les Romains, les Zélotes qui veulent les chasser de Palestine, Hérode et Salomé. J’ai donné à cette aventure un petit air de théâtre de boulevard ».
On se résume. Jésus a disparu. Marie-Madeleine est en transes. Matthieu va devoir réécrire la bio de son patron. Barrabas gracié par Pilate est devenu chef de bande pour le compte de Judas le Galiléen (pas le traître, un autre) qui veut flanquer les Romains à la mer. Pierre, Thomas, Jacques, Philippe vont aller porter plainte et essayer de trouver qui a piqué le corps et où il est planqué. Du Boris Vian dans le texte. Vaste programme qui ne va pas aller sans quelques mésaventures bibliques et épiques pour des apôtres un brin guignols et un Jérusalem qui se met à bouillir car tout le monde est plus ou moins impliqué dans le coup. Sauf Pilate qui s’en laverait bien les mains encore une fois. Parlons en, tiens, des Romains car Nicolas Juncker a fait un petit clin d’œil à Astérix bien sûr. Les Romains sont déjantés, colériques et complètement à l’Ouest dans Un Jour sans Jésus. « Astérix avait une forme d’humour qui joue avec l’anachronique. Quand on relit Astérix on voit que Goscinny parsème son texte de clins d’œil vers nos sociétés actuelles. Je suis dans cette logique », ajoute Juncker.
L’auteur détourne les situations et les développent façon rigolote. Les six albums sortiront cette année, de janvier à juin. Chaque tome correspond à deux heures de ce jour grandiose. Pas de héros, chacun a un rôle à jouer. Nicolas Juncker dit tout sur une journée qui a changé le monde sans avoir voulu la dessiner : « Ce ne n’est pas lié au sujet mais après deux ans de dessin pour la Vierge et la Putain j’étais fatigué. J’ai eu des appels du pied par des éditeurs pour écrire des scénarios. J’ai cherché des idées qui pourraient fonctionner avec un autre dessinateur. Six tomes en deux ans, Chico Pacheco était plus rapide et drôle que moi au dessin ».
Il n’a pas dessiné non plus Fouché, autre titre qu’il scénarise. On s’éloigne de la divine comédie précédente. Fini de rire. Avec Fouché on est au plus dur de ce que la France a vécu de 1789 à 1815. On se souvient du policier ministre de l’Empereur, de ses conflits ou alliances avec le diable boiteux Talleyrand, moins du révolutionnaire qui a ensanglanté la France. « Du divertissement avec Jésus, je suis passé à Fouché, fruit d’une réflexion avec Laurent Muller des Arènes. Je voulais mettre en lumière un personnage mal connu ». Fouché c’est pour la plupart le salaud, le type qui a retourné sa veste. Il vote la mort de Louis XVI contre son camp, il est l’un des plus violents acteurs de la Terreur. Il trahit Barras, Napoléon, Talleyrand. Une synthèse Fouché, autoritaire, froid, « il n’est pas rock n’roll ».
Fouché va flirter avec les extrêmes sans sauver la Révolution. « Oui, parce que la Révolution s’est effondrée avec la mort de Robespierre. Napoléon en a ramassé les miettes. Fouché veut rester au pouvoir car c’est la seule façon de faire passer ses idées ». Fouché serait donc un pragmatique, bien qu’amoral et prêt à tout ? « Comme beaucoup de politiciens aujourd’hui » souligne Nicolas Juncker. Fouché aura droit à trois albums. Le premier traite la Révolution et son duel à mort avec Robespierre. Le second est axé sur le Directoire et le Consulat, la police. Enfin le troisième, de 80 pages, montrera l’homme d’état.
Nicolas Juncker n’a pas non plus été tenté par dessiner Fouché. « Avec le dessinateur Patrick Mallet on se connait depuis longtemps et il adore la période. Il a un dessin qu’on reconnait de suite ». Juncker a fait pour Jésus « un story-board pour aller plus vite ». Pour Fouché il a livré aussi un scénario traditionnel. « Patrick a fait son propre story-board. J’en avais fait quand même un et si besoin on comparait ». Nicolas Juncker a cependant bien envie de revenir au dessin : « Oui, ça me travaille ». Pour l’heure il a encore un projet de scénario historique et d’anticipation avec le dessinateur de Jésus chez Glénat et doit finir Fouché. Et pourquoi pas ensuite « un projet personnel que je dessinerais moi même, toujours historique. Mais, chut, je suis superstitieux. On en reparlera quand ça sera signé ».
Un Jour sans Jésus, Livre I/VI, Vents d’Ouest, 48 pages couleur, 11,50 €
Fouché tome 1, Révolutionnaire, Les Arènes, 56 pages couleur, 15 €
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