C’est un évènement rare que propose la Galerie Forêt Verte à Paris avec cette exposition inédite des planches originales écrites et dessinées par Alejandro Jodorowsky entre 1967 et 1973, Les Fábulas Pánicas. Du 23 septembre au 21 octobre, on va pouvoir découvrir ce que la galerie qualifie à juste titre d’un vrai Ovni graphique, surréaliste et ésotérique, dans l’esprit des riches heures psychédéliques et existentielles des années 70. Vernissage le 22 septembre à 18h30 en présence d’Alejandro Jodorowsky.
Retour en arrière. Les Fábulas Pánicas doivent leur titre à l’anti- mouvement Panique (en hommage au dieu Pan, dieu dé- bridé de la fertilité puis incarnation du Tout) dont Jodorowsky fut avec Arrabal, Sternberg et Topor le cofondateur.Les trois auteurs s’étaient rencontrés en 1960 à Paris, et se réunissaient avec Olivier O. Olivier, Christian Zeimert et Abel Ogier, au café de La Paix du quartier de l’Opéra. Ils adoptèrent entre eux le nom de Burlesque. Puis, ils optèrent pour Panique en 1962, c’est ainsi que parurent Cinq récits paniques dans la revue La Brèche que dirigeait André Breton.
Complètement inédite en France, cette série de fables philosophiques constitue un journal intime créé pendant une période où le travail artistique de Jodorowski fut considéré comme subversif, dangereux et délétère. Après avoir monté les pièces de Strindberg et Ionesco ou ses propres œuvres telle La ópera del orden, pièce panique par excellence, il suscita un énorme scandale pour avoir attaqué les institutions nationales. Il joua alors pour d’autres metteurs en scène, sous le pseudonyme de Martín Arenas. Les Fábulas Pánicas ont été publiées en un seul volume pour la première fois en 2003, par l’éditeur Daniel González Dueñas pour les éditions Grijalbo / Random House Mondadori à Mexico. Initialement, Les Fábulas Pánicas avaient été proposées en feuilleton, grâce à l’intervention amicale de Luis Spota, dans le supplément culturel du dimanche du journal El Heraldo de México, de 1967 à 1973.
Au début des années 1960, Alejandro Jodorowsky, après un séjour en France, se retrouve à Mexico qui vit une période de censure brutale pour les avant-gardes, notamment dans le théâtre. C’est pourtant dans ce contexte de difficultés créatives et politiques que Les Fábulas Pánicas virent le jour ou plutôt la nuit : après l’heure des représentations et jusqu’à quatre heures du matin, sur un coin de table du Cabaret la Vendimia, entre le maquillage, les plats du dîner, les divers accessoires tels que de faux seins en caoutchouc et autres éventails à plumes, Jodorowsky dessine sa première fable. Armé d’un crayon et d’une gomme, il mit lentement une semaine pour la réaliser. Suivirent alors de nombreuses planches inspirées par la littérature kafkaïenne, représentant des anti-héros trempés dans l’humeur névrotique de leur créateur, dixit l’auteur lui-même. Mais, très vite l’enseignement Zen – dû à sa rencontre avec Ejo Takata, moine Zen dont il fut le disciple – releva la température spirituelle des fables. Les thèmes initiatiques et la symbolique sacrée intégrèrent peu à peu les « historiettes ». Un syncrétisme salvateur initié avec les Fábulas Pánicas qui nourrira ses réalisations et scénarii.
En effet, dans la même période où il conçut les Fábulas Pánicas, Jodorowsky crée sa maison de production poursuivant ainsi la philosophie créatrice panique et réalise son premier long métrage Fando et Lis en 1967 à Mexico. Il s’agit d’une adaptation libre de la pièce d’Arrabal, qu’il avait monté au théâtre peu auparavant. Un tournage quasi improvisé dans des décombres et des terrains vagues. Décrit comme une pépite, ce film en noir et blanc, poétique et surréaliste est influencé par les thèmes d’un cinéma de genre mêlant sexualité, croyances, corruption, violence à un ésotérisme singulier. Le film fera scandale lors de sa projection en 1968 au Festival d’Acapulco. Suivra El Topo, en 1970, version mystique déjantée et détournée du western spaghetti. Jodorowsky publiera la suite dans la BD Les Fils d’El Topo. En 1973, il réalise La Montagne sacrée, vision psychédélique et transgressive autant qu’élaborée de la recherche de l’immortalité. L’élan donné par ses deux premiers film le conduit à développer à partir de 1974 un projet devenu mythique, l’adaptation de Dune, dont le documentaire de Frank Pavich Jodorowsky’s Dune, restitue toute l’ampleur.
Galerie Forêt Verte, 19, rue Guénégaud, 75006 Paris
Programmes associés
- 21 septembre 2017 à 18h Le Monte-en-l’air 2, rue de la Mare 75020 rencontre avec Alejandro Jodorowski
- 22 septembre 2017 jusqu’à 21h30 librairie « Les Originaux » – Actes Sud 27, rue Saint André des Arts 75006 Paris vernissage, présentation des planches originales (sélection) du 22 septembre au 13 octobre 2017
- Exposition en novembre 2017 Chapelle du Méjean Place Nina Berberova 13200 Arles