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La Forêt millénaire, dernier album de Taniguchi

Il était le seul dessinateur japonais à avoir su faire le lien entre le manga et la BD franco-belge. Né en 1947 à Tottori au Japon, Jirô Taniguchi publie son premier album Un Été desséché en 1970. Découvert en France avec L’Homme qui marche en 1995, sa quarantaine de titres traduits depuis rassemble autant les lecteurs de BD que de mangas ou de littérature classique. Son dessin d’une rare beauté, d’une grâce subtile était composé d’une ligne claire à nulle autre pareille. Jirô Taniguchi était unique, pas copiable, génial et surtout bouillonnant d’inspiration. Au moment où il nous a quitté il travaillait sur La Forêt millénaire qui restera inachevée, un hymne à la nature porté par un jeune garçon auquel il a pu ressembler. L’album a un format à l’italienne qui permet toutes les audaces graphiques, les paysages sublimés et une vision souvent grand écran de sa création. Avec les planches de cet opus interrompu, on découvre un entretien avec l’éditeur de Jirô Taniguchi, ses archives, ses croquis préparatoires. Un album qui est à la fois un témoignage, un souvenir posthume et une œuvre à part entière dont on sort ému et surtout très triste d’avoir perdu un si grand maître.

Dans les années cinquante, les parents de Wataru ont divorcé, sa mère à Tokyo est malade. Wataru est accueilli par ses grands-parents à la montagne dans un petit village accroché à une vaste forêt sortie de terre à l’occasion d’un tremblement de terre. Une masse vivante, à la végétation luxuriante. Wataru va à l’école et découvre des enfants de son âge dont la forêt est le royaume. Ils veulent le chasser à moins qu’il ne puisse monter très haut dans un arbre gigantesque aux parois lisses. Il tente le tout pour le tout entend l’esprit de l’arbre lui parler. Il grimpe de plus en plus haut et glisse mais une liane lui sauve la vie. Désormais il sait que la forêt l’a accepté. Dans la montagne de curieuses bêtes rodent. Wataru est le fils de la montagne.

On ne peut pas parler vraiment de testament car Jirô Taniguchi ne pouvait prévoir bien que malade qu’il ne pourrait mener son œuvre au bout. Reste qu’on sent quand même que La Forêt millénaire contient une sort de message, un hymne à la nature, à son respect sous peine de rébellion à plus ou moins long terme. On est pris aux tripes par ces pages verdoyantes, ces arbres et ces plantes qui ont créé un univers dont les enfants seuls saisissent la vraie magie. Un récit pour les plus jeunes, Taniguchi le leur avait destiné. Eux seuls sont désintéressés et innocents des crimes des adultes. Une harmonie délicieuse que magnifie le talent de Taniguchi.

La Forêt millénaire, Rue de Sèvres, 18 €

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