Il a adapté le roman de Michel Bussi, Gravé dans le sable, dessiné par Cédric Fernandez, dont le premier titre était Omaha Crimes. Jérôme Derache, qui habite à Montpellier, est un scénariste dont la spécialité était plutôt l’humour. Cette fois, il s’est frotté avec talent à un polar noir à souhait, bien tordu, publié chez Philéas, qui se déroule sur fond de grande Histoire, le débarquement de Normandie en juin 1944. La mort a un prix mais encore faut-il le payer. Jérôme Derache est revenu avec Ligne Claire sur les raisons de ce choix, adapter en BD un roman. Et sur ses projets. Propos recueillis par Jean-Laurent TRUC.
Jérôme Derache, comment êtes-vous arrivé dans cet aventure, adapter un roman de Bussi ? Un hasard, une demande, et de plus chez un tout jeune éditeur, Philéas ?
Non, c’est une volonté de ma part. J’avais lu un roman de Bussi que j’avais trouvé parfait, Un avion sans elle. Je m’étais dit que cela pouvait très bien fonctionner en BD. J’avais commencé à adapter ce roman sans en parler. Le hasard a fait qu’avec Bussi on a été invité dans le même salon du livre. On a discuté mais malheureusement les droits étaient déjà pris. On en a reparlé et il m’a donné des titres qui étaient encore libres de droits. Dont Gravé dans le sable que je n’avais pas lu. En rentrant à Montpellier, j’ai acheté et lu le roman que j’ai trouvé parfait pour une adaptation en BD. Et c’est parti comme ça.
Et pourquoi publié chez Philéas ?
Je travaillais déjà avec Moïse Kissous (Jungle) sur d’autres BD et il m’avait parlé de ce projet d’éditions de romans en BD. Donc cela rentrait dans la ligne éditoriale de Philéas.
Quand on s’attaque à un bouquin pareil on travaille avec l’auteur ou c’est en solo ?
Pas en solo. J’ai une façon de découper mes textes en faisant des dessins. Une sorte de story-board que j’envoyais régulièrement à Michel Bussi qui validait ou pas.
Comment avez-vous été mis en rapport avec le dessinateur Cédric Fernandez ?
C’est moi qui l’ai trouvé. Je suis plus un habitué des BD d’humour. Donc pour trouver un dessinateur réaliste, j’ai publié une annonce sur Facebook en décrivant le projet. A ma grande surprise, j’ai eu de très nombreuses réponses. Il y en avait deux qui me plaisaient dont Cédric Fernandez. L’éditeur a choisi.
Vous lui avez donné le scénario en totalité, clés en main ?
Je voulais avoir une validation de Bussi et donc que tout soit écrit avant que Cédric ne commence à dessiner. Tout était découpé, le nombre de pages mais avec Cédric on a échangé, peaufiné. Mais il y avait déjà le rythme, le nombre de cases.
La période évoquée vous tentait, le débarquement, les années 60 aux USA ? Vous la connaissiez ?
Oui, je la connais bien mais ce qui m’intéressait était qu’adapter était tout à fait différent de ce que j’avais fait avant. Univers, époque, je voulais voir si je pouvais y arriver.
Cela vous a demandé une grosse doc ? En fait Bussi, sans vraiment la nommer, décrit l’attaque des Rangers US sur la Pointe du Hoc le 6 juin 44 ?
Je ne sais pas vraiment pourquoi il a changé les noms. Mais oui.
On part sur un fond historique, cela devient un thriller, un polar avec un privé ? C’est ce mélange qui vous a tenté ?
Oui il y a effectivement un mélange de styles surtout dans ce bouquin. Il y a aussi de l’humour avec le privé qui ressemble à Magnum, le héros de la série TV.
Le roman est bien ficelé avec des histoires dans l’histoire ?
On se laisse embarquer en se demandant où on va, où cela va se recouper. Alice est-elle gentille ou pas ? On doute. Il nous mène en bateau. J’ai fait des choix mais j’ai essayé de garder le plus de choses possibles. On est quand même obligé de couper des scènes. On réécrit un peu les dialogues mais le ton du roman est sauf.
Le découpage est assez classique. Vous aviez un retour avec Fernandez sur les planches ?
Bien sûr, il nous envoyait les pages et chacun est intervenu. Un vrai travail d’équipe sur plus d’un an.
Cela a été une expérience agréable ?
Honnêtement je n’en garde que de bons souvenirs. J’ai dû revoir une séquence sur dix pages mais je ne me souviens plus pourquoi. Cela n’a jamais été une contrainte. Tout a été fluide. Je craignais un peu vu le nombre d’intervenants mais au final tout s’est bien passé. Michel Bussi a été très complice.
C’est un roman assez complexe quand même. Et donc pas difficile à restituer ? L’adaptation vous tente plus que l’écriture personnelle ?
Cela a demandé une certaine gymnastique et du travail. Adapter, non. J’en ferai peut-être d’autres mais j’aime la création.
Qu’est-ce qui vous tente après Gravé dans le sable ?
Je travaille sur plusieurs séries qui vont sortir. Retour aux gags avec des projets chez Bamboo mais on en reparlera dans le détail plus tard. Il y a aussi des projets retardés par la Covid.
En BD réaliste pas d’envie ?
Non pas de projet mais cela me reste en tête. J’aimerai développer une idée mais il faut laisser murir, partir sur un polar, de l’aventure.
L’album est sorti un jour avant le confinement. Frustrant non ?
Oui tout à fait, d’autant que c’est un bel objet. Pas de retours en fait pour le moment. Je me reconcentre sur mes projets en cours. Rien de prévu chez Philéas où il y aura ponctuellement des créations signées par des auteurs de romans comme Marc Lévy.
En style de BD qu’est-ce que vous aimeriez traiter ?
J’ai une grande admiration pour Marc-Antoine Mathieu. Ce qu’il fait c’est génial. Sa série Julius Corentin est magnifique. Je suis un dévoreur de BD depuis toujours. Mon parrain m’a fait découvrir Achille Talon de Greg ce qui m’a décidé à devenir auteur de BD. J’ai une vraie tendresse pour Greg. Et puis Spirou de Franquin, Ric Hochet de Tibet.
Quand on prend votre BD comme le bouquin aussi, on a du mal à le lâcher. On veut savoir comment tout cela va finir.
Tant mieux. C’est passionnant d’adapter. Comme c’est une première pour moi, cela a été motivant, pas frustrant de travailler sur le texte d’un autre. En faire beaucoup pourrait le devenir par contre.
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