Un petit air de Délivrance, le film, un patelin où il vaut mieux ne pas mettre les pieds, des cas sociaux sympathiques au demeurant qui ont fait un choix et vivent en autarcie dans une Amérique où ils ne se reconnaissent plus, Grass Kings c’est un monde à part avec ses règles façon hippie revisité tireur d’élite. Sauf qu’un tueur en série y a peut-être fait son nid, que le boss du coin est alcoolique depuis la disparition de sa gamine, que le shérif du comté aimerait bien venir régler ses comptes et flanquer un coup de balai parmi les autochtones. Tyler Jenkins et Matt Kindt ont façonné une série qui décape, sur des dessins qui explosent dans tous les sens du terme. Une vraie gifle Grass Kings, en trois tomes. On s’y accroche dès le début et on ne voit pas les pages filer. Frustré même à la fin du premier tome. Faux pas rêver, y en a encore sous la roue chez les solitaires du Grass Kingdom.
Un lac où il s’est passé plein de choses violentes au cours des siècles. Aujourd’hui c’est le Grass Kingdom, une sorte de réserve volontaire sous l’autorité d’un ancien flic, Bruce, et de son frère Robert. Les habitants de la ville voisine, Cargill, ne sont pas les bienvenus et expulsés, au mieux. Pas très légal mais les habitudes sont prises. Au Kingdom il y a un petit aérodrome et des avions de la guerre de 14, des mobile-homes et des baraques rafistolées. Une communauté fermée, soudée et armée. Le shérif Humbert de Cargill mettrait bien son nez dans les affaires des squatters. Robert, depuis que sa fille, Rose, a disparu est tombé dans l’alcool. Un soir une jeune femme sort du lac. C’est la femme de Humbert qui s’est faite la malle donnant à son mari une occasion en or d’investir Grass Kingdom. Il envoie un de ses hommes en éclaireur déclarer la guerre, un géant malfaisant, Big Dan. Robert lui se souvient des craintes qu’il avait qu’un tueur en série rode dans les parages et soit à l’origine de la disparition de sa fille. Quand Big Dan débarque, les choses vont rapidement mal tourner et les flingues sortir des placards.
Une progression narrative toute en puissance, comme dans les meilleurs romans américains, de Steinbeck à Faulkner. Des héros entre deux, émouvants et agaçants, complètement hors normes mais aussi typiquement US. Voyage au bout de l’enfer, le film, aurait pu y placer certains de ses personnages. Les deux auteurs ont bien sculptés les acteurs de ce drame basé aussi sur la douleur de la perte d’un enfant, de l’indépendance et du refus des normes établies. Du grand art tout à fait brillant, sans fausse note. Vivement le prochain tome en mars, le dernier en juin.
Grass Kings, Tome 1, Futuropolis, 22 €
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