Dans les années soixante-dix Jean Torton, alias Jeronaton avait créé une communauté dans les Corbières près de Limoux. Il y vivra dix ans avec sa famille. Cet auteur de BD est un non violent qui pourtant raconte la vie des civilisations précolombiennes pas très commodes comme dans le premier tome de El Nakom aux Éditions du Long Bec. Mais Jeronaton qui était en dédicace chez Azimuts à Montpellier, c’est une belle et longue carrière depuis le studio d’Hergé à Champakou, L’œil du monde et Les Voyages d’Alix ou les quatre tomes de Napoléon Bonaparte. Il a répondu aux questions de ligneclaire en toute liberté avec gentillesse et humour tout en revenant sur les grandes étapes de sa vie d’auteur BD. Propos recueillis par Jean-Laurent TRUC.
Jeronaton, comment jugez-vous l’évolution de votre profession ? Des hauts et des bas ?
Dans ce flot actuel il y a un grand déchet mais dans le lot il y a des bons auteurs.
Pourquoi cette politique des éditeurs à surproduire d’après vous ?
Pour payer moins cher les auteurs. Face à la prolifération des tirages je dis aux éditeurs qu’ils vont tuer la poule aux œufs d’or et ils me répondent que si ce n’est pas eux qui sortent les albums ce seront leurs concurrents. Ils ont peur d’être en retard sur les autres. A long terme il va se passer quelque chose. Je serai curieux de savoir parfois combien les auteurs touchent. Je parle des bons, de certains que je rencontre en dédicace. Ils me donnent des chiffres ahurissants. J’ai commencé à 17 ans ma première BD mais on était quoi, une vingtaine à l’époque. Et aujourd’hui des centaines.
Par le dessin. Je voulais faire du cinéma et j’ai eu l’occasion de rencontrer Hergé, de travailler avec lui. Il m’a dit : la BD, tu imagines que tu fais un film, tu places tes caméras. Cela m’a permis d’allier mes deux passions. J’avais montré mes travaux à Hergé et il fait un truc sympa. Il m’a invité à travailler dans son studio et corrigeait mon dessin. J’ai appris avec lui tout étant en école. Mais cela ne marchait pas. Il diluait l’enseignement pour que ça dure. A l’école il me donnait un animal empaillé à reproduire et les profs montraient mes dessins en exemple aux étudiants. Donc je suis allé chez Hergé et il y a avait Jacobs, Martin, Leloup.
Vous passez au Journal de Tintin.
Quand il trouvé que ça allait pour le dessin Hergé m’a présenté au Journal de Tintin. Ce n’était pas du piston. Je ne le connaissais pas et comme je n’étais pas bien riche il me donnait même de l’argent de poche sans me rien me demander en retour. Pour Martin c’est une autre histoire. Passons. (Rires). J’ai travaillé avec lui ensuite pour faire des Voyages d’Alix sur les Précolombiens. Comme c’était un peu ma spécialité j’avais accepté.
Vous aimez les civilisation disparues, l’antiquité ?
J’aimais bien les Indiens enfant et mon frère collectionnait les vignettes sur eux. Un jour il m’a tout donné sous prétexte qu’il n’était pas capable de construire une maison. J’ai lu Le Temple su soleil et j’ai vu ce qu’ils pouvaient faire. Cela m’a plu. C’étaient les arts primitifs et novateurs, peu connus. Hergé a été le premier à montrer ces Indiens. Le bon côté des civilisations précolombiennes c’est qu’elles ne sont pas mortes. Elles sont l’équivalent de notre Antiquité. Si on va sur place on les retrouve avec leurs pyramides et leurs croyances. Au Pérou les Incas sont encore là.
Ensuite vous travaillez dans l’animation.
Oui chez Belvision avec les dessins animés chez qui je suis rentré pour faire les décors. Mais cela avait failli ne pas se faire car j’avais participé à une manifestation pacifiste devant le roi des Belges pendant une conférence faite par le frère de Raymond Leblanc patron de Tintin. Du coup plus de travail chez Tintin. Ils m’ont pris finalement à Belvision parce que j’avais été le seul à réussir les tests. En même temps j’ai recommencé à faire de la BD, des histoires courtes pour Tintin dans le style de l’Oncle Paul.
Votre premier album ?
Greg avait aimé une de mes histoires et j’ai pu faire une conquête du Mexique. J’ai eu le premier prix Saint Michel de la meilleure BD historique réaliste. Greg voulait que je romance la suite et je n’ai pas accepté. La vraie histoire est difficile à raconter parce qu’il faut faire plaisir à tout le monde ce qui n’a pas été simple avec les Aztèques et leurs sacrifices humains. Quand les Espagnols commettaient des horreurs dans la BD le journal était interdit en Espagne (rires).
Vous avez aussi traité la Bible. Et pris un pseudonyme, travaillé très tôt en couleur directe ?
J’ai présenté le projet au Lombard, près de 500 à 1000 tableaux. C’est inégal en fait côté dessin. Mon pseudonyme c’est pour faire des BD plus adulte et j’ai gardé mon nom pour les planches dans Tintin. J’ai fait pour Champakou de la gouache en couleur directe, la première BD peinte. Beaucoup de travail et je suis retourné à la ligne claire. J’aime bien changer mais le public n’aime pas. On est catalogué. Le dernier El Nakom c’est pareil, que de l’encre après crayonné et encres de couleur, tout à la main bien sûr. Il n’y a que des retouches et le lettrage sur ordinateur. J’ai fait de la bD en 3D, en relief. Amusant.
Vous ne feriez pas de la BD contemporaine ?
J’ai une passion pour l’histoire ancienne jusqu’à Napoléon, ensuite je n’aime pas. Je baigne dans l’actualité tous les jours donc cela ne m’intéresse pas. C’est comme au cinéma on voit ce qui se passe dans la vie réelle. Cela ne me fait pas rêver. J’évite en plus trop de sans et de violence dans mes BD. Dans Murena de Delaby par exemple pour les USA ils ont dû rhabiller les gladiateurs. Par contre le sang qui gicle cela ne les dérange pas. Dans mon Napoléon, il va voir une prostitué avec qui il parle politique. Elle est nue. Ils me l’ont rhabillée.
Dans votre album on retourne en Amérique du Sud avec une histoire authentique. Et Kirk Douglas ?
C’est une biographie en deux tomes. Chez Casterman ils m’ont reproché de me laisser aller quand je leur ai montré les planches de El Nakom qui raconte le parcours de Guerrero, un Espagnol qui va devenir un chef de guerre d’une tribu maya. Il va ralentir pendant vingt ans la progression de ses compatriotes. J’ai eu beaucoup de plaisir à travailler avec les éditions du Long Bec à Strasbourg pour ces deux albums. Je suis en train de faire le second. Et c’est bien effectivement Kirk Douglas que j’ai pris pour modèle pour dessiner Guerrero.
Et après ?
Aucune idée. Je me demande même si je ne vais pas arrêter la BD. J’aurais bien aimé traiter l’histoire de Jeanne d’Arc. Elle n’a peut-être pas été brûlée et aurait continué son parcours. Mais je me ferai démolir. Je me suis mis à la peinture à l’huile grand format. La couverture et la der de El Nakom en est une. Mais vous savez je lis très peu de BD afin de ne pas être influencé.
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