Jean-Pierre Pécau a deux passions, l’Histoire, la grande, et la BD. Cet historien de formation a décidé depuis un beau nombre d’albums de réécrire notre grande Histoire, à sa façon. De L’Histoire secrète à Jour J ou USA Über alles, Pécau signe des uchronies si plausibles qu’on se demande parfois quelle est la vraie version de notre passé. On douterait presque. Preuve en est le quatrième épisode d’Empire qu’il vient de sortir chez Delcourt avec son complice, Igor Kordey au dessin. Jean-Pierre Pécau est allé plus loin avec ligneclaire.info. Propos recueillis par Jean-Laurent TRUC.
Jean-Pierre Pécau, révolutionner l’histoire du premier empire c’est une idée étonnante.
Non. J’avais déjà en tête le scénario pendant que j’écrivais l’Histoire secrète. Il y a eu trois albums, et une coupure. J’ai toujours eu plus de facilité à inventer des aventures en écrivant des scénarios historiques. Cela vient de ma formation d’historien et de mes goûts, de mon envie à rechercher des thèmes dans le genre qui peuvent être développés. Par contre, je serai incapable de raconter le quotidien, ce que je fais le matin.
Avec Empire vous êtes au début du XIXe siècle, au moment où la technique va évoluer très vite.
Empire est un steampunk, à savoir une intrigue, une uchronie qui a pour cadre la révolution industrielle du XIXe siècle avec une toute puissance des inventions liées entre autres à la vapeur. C’est un mouvement littéraire que j’aime beaucoup et cela m’est facile d’écrire dans ce courant. C’est passionnant de se plonger dans un bouquin sur la science au XIXe siècle et d’en découvrir toutes les ouvertures possibles comme l’électricité et son devenir, anticiper. Mais je ne suis pas un scientifique de nature. J’ai ajouté poésie et fantastique à ma passion de l’Histoire.
Le point de départ c’est le Moyen-Orient après la campagne d’Égypte. Napoléon ne bat pas en retraite et gagne à Saint-Jean d’Acre, ne revient pas en France. C’est le début de la conquête qui va le mener jusqu’en Inde et lui permet avant tout de soumettre l’empire ottoman. Tout cela on le voit dans les trois premiers tomes qui ont été réédités en intégrale.
Tout ce que vous montrez, chars d’assaut, dirigeables ou cuirassés semble évident pour l’époque ?
Il faut toujours une base crédible, un support possible et garder les pieds sur terre. Il faut savoir ne pas aller trop loin, savoir s’imposer des contraintes. Il faut que tout semble être dans une logique évidente.
Vos héros forment un duo où action et humour, efficacité et désinvolture sont les clés de leurs succès.
Les deux héros, le capitaine de dragon, né aux Indes, avec l’aventurier et l’espion dilettante manipulateur forment un duo très classique mais intéressant à faire vivre. Je joue beaucoup sur les dialogues et je m’amuse à les écrire de façon à ce qu’il y ait une part de détente, d’humour. Je saupoudre de personnages historiques connus à qui j’offre un autre destin que le leur.
On est sous l’Empire mais vous avez mélangé Histoire revue et corrigée à un fantastique qui prend l’action en main. Après le premier ordinateur des tomes précédents qui permet de gagner des batailles arrive le vampirisme.
L’action se situe effectivement de 1815 à 1820. J’y ai apporté une part de fantastique sous la forme du vampirisme mais il faut se souvenir que sur le plan littéraire on est au début du romantisme avec Shelley, Byron ou Polidori. Je suis plus proche du côté feuilleton de Gustave Le Rouge que de Dumas en particulier pour le côté fantastique qui se révèle de plus en plus dans le tome 4, le sculpteur de chair.
Napoléon aurait pu être un autre Alexandre le Grand ? Comment travaillez vous sur vos histoires ?
Pourquoi pas. J’adore donner un autre destin à un homme historique. Un homme providentiel qui aurait pu être différent. Je ne travaille qu’un scénario à la fois. Quand il est fini je passe à autre chose. Je livre le scénario clés en main mais on peut reprendre des points si besoin.
Tout dépendra de l’accueil du public et de ce que décidera l’éditeur C’est compliqué à gérer aujourd’hui, rentabilité oblige. Les éditeurs font une erreur avec la surproduction et en appauvrissant l’édition. Le marché de la BD se corrige. Il ressemble au marché du livre. En tant que tel le marché ne bouge pas mais il y a de plus en plus d’acteurs avec une courbe de progression en creux. Chaque album est presque un prototype.
Pour ma part, je travaille sur un roman graphique Cavalier rouge pour Soleil avec un dessinateur serbe. L’action se passe en 1917. USA Über Alles continue en trois autres albums sans oublier 1940, et si la France avait continué la guerre dont le tome 2 vient de sortir. Je prépare le 3.
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