Il était lui aussi les pieds dans le sable de BD Plage à Sète. Jean-Christophe Chauzy a signé l’excellente adaptation du roman de Pierre Pelot, L’Été en pente douce (Fluide Glacial). Il revient avec ligneclaire sur les raisons de ce choix, ses rapports avec Pelot, son travail avec des écrivains comme Jonquet ou Villard. Chauzy annonce aussi que ses deux albums, le Reste du monde et le Monde d’après, auront une suite en deux autres tomes chez Casterman. Enfin il avoue un faible pour la préhistoire et parle des difficultés que rencontrent les auteurs aujourd’hui. Un témoignage en toute sincérité, à son image. Propos recueillis par Jean-Laurent TRUC.
Jean-Christophe Chauzy, un retour sur l’Été en pente douce. Pourquoi avoir choisi d’adapter ce roman et quelles ont été vos relations avec l’auteur Pierre Pelot ?
(Rires). Je suis un peu embêté. L’Été en pente douce a été en fait une commande de Yan Lindingre rédacteur-en-chef de Fluide Glacial avec qui j’ai travaillé. Il sait que je viens du polar et j’avais illustré pour Fluide des nouvelles de Pierre Pelot que j’aime beaucoup. Lindingre avait envie de le faire travailler. Il s’est dit : Fluide Glacial a du mal à vendre des livres alors que le journal marche bien. En dehors de classiques comme les Bidochon bien sûr. Quand on lit une histoire dans le journal on n’a pas envie obligatoirement envie d’acheter l’album. Lindingre savait que j’avais fait des adaptations et travaillé avec deux ou trois grand noms du secteur. Pour mettre toutes les chances de notre côté il fallait aller chercher le bouquin le plus populaire en particulier grâce au film.
L’Été en pente douce est un classique du roman noir.
Ça tombait bien parce que c’est pour moi une fierté de bosser avec des gens que j’admire. C’est un sacré livre et j’aime les écrivains. En plus L’Été en pente douce ce sont des trognes, une fille très belle qui va souffrir entourée de bras cassés, des Pieds-Nickelés, des vrais bien sordides. J’aime ça et comme chez Thierry Jonquet, il y a chez Pelot l’importance des décors. On est dans le jardin, dans le garage, cela permet de qualifier l’action qui s’y déroule. Tout a lieu presque dans un jardin estival avec des petits oiseaux, une belle coloration des végétaux et puis quelque chose d’assez terrible se passe.
Une histoire assez tordue et dramatique, non ?
Il n’y a pas un personnage pour sauver l’autre même si ils sont attachants. Fane le héros s’imagine qu’il va pouvoir écrire un polar. Il veut changer de vie et est amoureux de la belle Lilas qui se faisait tabasser par son ex-mec.
Comment avez-vous travaillé avec Pierre Pelot ?
Cette proposition m’a été faite quand on j’ai commencé à bosser sur Le Reste du monde. Quand j’ai fini, je voulais boucler le tome 2 et L’Été est resté en stand-by. Pelot avait déjà fait son scénario. Mon grand plaisir c’est de travailler avec quelqu’un de vivant qui va décider ce que l’on peut retirer, dialogues ou scènes dans l’adaptation. Je vais pouvoir faire des choses qui ne sont pas dans le livre mais tout ce qui a trait à la rédaction des textes c’est Pelot qui a décidé. Je garde la mise en scène, la mise en page, tout ce qui a un rapport au dessin.
Lui a donc écrit l’adaptation ?
Absolument. Et j’y tiens comme avec Marc Villard et Thierry Jonquet. Je mets en musique le récit mais à l’auteur d’écrire. Ils ne travaillent pas tous les trois pareil. Villard travaille par case ce qui est assez souple.
Oui il faut gérer et se débrouiller. Cela donne plus de boulot et c’est stressant. A noter que je n’ai jamais rencontré Pelot. On va se voir à la rentrée.
Votre album a beaucoup de charme. Comment a-t-il été reçu par le public ?
Je ai beaucoup dédicacé cet album mais j’espère pas sur un malentendu. Ce qui est important c’est le récit, la dérive dramatique autour de la beauté. Le malentendu c’est que je vois des mecs qui veulent se faire dessiner une fille nue.
Vous ne croyez pas être un peu pessimiste ? C’est l’héroïne.
J’espère que ceux qui achètent l’album ont aimé. C’est vrai que se mettre nu c’est naturel pour Lilas. Comme je suis assez féministe j’ai été un peu gêné. Je ne voulais pas être complaisant par rapport à ça. Mais avec Mo c’est le seul personnage sain de l’histoire.
Après L’Été vers quels horizons vous vous dirigez ?
Pelot a été ravi et il a laissé quelques bouquins sur la table de Lindingre. Si il y en a d’autres bien noir et où la part du dialogue est un peu moins importante pourquoi pas. Dans L’Été, ça été dur pour les vingt-cinq premières pages avec des textes très présents. J’ai essayé que tout reste léger avec la lumière, le dessin mais parfois on se trouve avec des gros pavés de texte. Mais cela fait partie de mon plaisir de bosser avec des univers d’auteurs. Mais je veux revenir à la suite du Reste du Monde et du Monde d’après où je me suis vraiment éclaté.
Une suite ?
Oui, ce qui se passe deux ans après. Que sont-ils devenus ? Où sont-ils ? Ce sera chez Casterman. On reste un peu dans les P.O. Il y aura deux albums supplémentaires. La mère a disparu. Ce n’est pas très marrant ni rigolo mais ce qui m’intéresse là dedans c’est, par rapport à un décor, un environnement qui concasse les personnages, comment ces fourmis, arrivent à survivre. Pas de message, un constat. Le bloc familial a une volonté exceptionnelle. Ils retrouvent une communauté et on suppose que ce sera le groupe. J’ai scénarisé les deux albums et je vais attaquer le dessin. Je m’en tiens à ce seul sujet pour l’instant.
Vous travaillez comment ?
Très traditionnellement. Couleur directe à l’aquarelle, un plaisir. Je suis trop attardé pour Photoshop. Trop tard. Mon plaisir c’est de voir ce que fait le papier avec la couleur, l’aquarelle.
Des envies ?
J’ai pris beaucoup de plaisir à travailler seul. Avec Villard peut-être. Très gratifiant d’être seul. J’ai un bon retour avec les Mondes, un public suffisant et j’approfondis. Un autre plaisir est de laisser une plus grande part au côté organique de mon dessin. Je n’ai pas à faire des HLM, des bâtiments, des bagnoles comme autrefois. Mon dessin va bien avec la nature. Il me faut des thématiques où la question des civilisations se pose comme la préhistoire. J’ai bossé toute ma vie sur le contemporain mais les débuts de l’humanité m’intéressent. Je dis ça mais j’ai assez de boulot. J’ai du mal à faire deux trucs à la fois. La suite des Mondes pourrait s’appeler Les Frontières mais c’est un titre de travail.
Vous ne reprenez pas le mot monde ?
Un mot difficile à décliner. Les libraires m’ont bassiné parce que je n’avais pas mis tome 1, tome 2 aux deux premiers. Honnêtement en BD en ce moment quand tu fais un premier bouquin tu ne sais pas si tu ne fais pas un one-shot. C’est à la moitié du 1 que j’ai su qu’on allait continuer pour le 2. C’est le genre de détail que l’on n’impose pas aux écrivains même quand ils font une série. J’essaye de rattraper ça par une cohérence sur les couvertures. On aura par contre une cohérence de titres entre le 3 et le 4.
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