En janvier 2015 la rédaction de Charlie Hebdo est massacrée par les frères Kouachy. Dans le magasin Hyper Casher après avoir tué une policière municipale, Amedy Coulibaly ouvre le feu sur ses otages. Les trois terroristes seront abattus et leurs complices présumés arrêtés. Voilà pour les faits. En septembre 2020, le procès des attentats s’ouvre à Paris et va durer deux mois. Yannick Haenel et François Boucq vont en être à la fois les témoins et les rapporteurs dans Janvier 2015 le procès. Ils seront comme on l’a dit, les yeux et les oreilles de Charlie Hebdo. Tout sera dit, montré, l’horreur, le chagrin, la peur, la terreur, parfois l’incompréhension, l’indicible. Les chroniques, les dessins méritaient, après leur publication en leur temps sur les sites et dans le journal ,d’être réunies dans cet ouvrage. Et cela pour une raison majeure, faire acte de mémoire tout en essayant de décrypter les raisons de ces attentats, revenir sur l’islamisme, déstabilise, ronge et vise toute la société au nom d’une pensée religieuse dévoyée comme le dit Yannick Haenel.
Dès qu’on ouvre le Procès, on sait que sa lecture ne va pas être simple, qu’on va plonger comme si on était dans la salle d’audience dans la douleur. Yannick Haenel écrit, ressent, exprime page après page son propre ressenti mais aussi celui des juges, des témoins, des familles, des prévenus. Qui sont-ils ? Qu’ont-ils fait ? Pourquoi ? Quelle justice va pouvoir passer pour punir ? Des textes qu’il faut prendre le temps de lire, lentement, peser les mots, les émotions et lever les yeux vers les portraits de Boucq qui les montrent tous. Des caïds de pacotille, comme Polat. Des regrets ? Boucq capte les expressions des visages, les attitudes. Comment, comme le dit Me Metzker, « peux-t-on concilier religion et crime ? » On montre la scène du carnage, le plan de la salle de rédaction, de Charlie, le fossé se creuse. Un écran blanc va apporter une horreur tangible et le compte-rendu du commissaire de la section anti-terroriste. La vérité peut « être affreuse ». Insupportable. Le massacre ne dure pas deux minutes à Charlie. Haenel le dit, « la pensée se trouble, la raison s’évanouit ».
L’émotion est d’une rare force, palpable et submerge le lecteur dans ces 220 pages. Haenel écrit continuellement, automatiquement avec une sincérité qui permettra de trouver la vérité, lui qui n’avait jamais mis les pieds dans un prétoire. Boucq transmet tout ce qui se passe, les expressions pourtant masquées des visages. Pas de fioritures, le vrai c’est tout. Écrasant car on est dans l’exception, pas dans un procès d’Assises classique mais dans un marais mortel glauque et mensonger. Il faut lire Le Procès, encore une fois en prenant son temps, en revenant parfois en arrière, regarder à nouveau un dessin de Boucq, sentir l’ambiance, la force des mots et du trait. Un ouvrage tragiquement nécessaire dont on ne peut pas sortir indemne, pris aux tripes.
Janvier 2015, Le Procès, Les Échappés, 22 €
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