Il est l’un des personnages du XXe siècle. Fidel Castro a pris Cuba à une marionnette des États-Unis, Batista, et aux patrons de la maffia qui avaient fait de l’île une succursale de Vegas ou autre Atlantic City. La révolution cubaine n’a pas été une partie de plaisir en particulier pour ses acteurs. Lutte de pouvoir, d’idéologie, Gani Jakupi la dissèque dans El Comandante Yankee. Par le menu et en détails, avec comme fil rouge ce William Alexandre Morgan, ancien militaire US, un brin mythomane et second couteau de la CIA qui va s’engager aux côtés des rebelles. La légende dont celle du beau Che, Argentin et surtout manipulateur sans états d’âme, violent, est revue et corrigée par Jakupi. Des noms se dévoilent comme Menoyo, chef du Seconde Frente, ou Chomon, et bien sûr celui du Comandante Morgan, qui va jouer, à ses risques et périls mais honnêtement, sur plusieurs tableaux, au moins en apparence. Mais le maître du jeu restera Castro.
C’est une vraie somme cet album. Il fait 224 pages, se termine par un dossier illustré par les fiches des principaux acteurs de la révolution cubaine commentées, inconnus pour la plupart du grand public. On sent le puissant travail d’enquête de Jakupi et son dessin apporte son poids au discours. Comme dans toute révolution il y aura règlements de comptes et exécutions. Guevara en sera le grand maître. Mais Castro saura aussi s’en débarrasser. Il y aussi la contre-révolution et la peau de Castro au bout de contrats. Il faut avouer qu’il s’en sortira bien, malgré tout, pendant son très long règne.
Avec Cuba castriste, qui basculera vers l’URSS très vite, on frôlera le guerre mondiale en 1962 avec la crise des missile où Kennedy tapera du poing sur la table face à Khrouchtchev, alors qu’un an avant il avait cautionnée une tentative de reprise de l’île par des anti-castristes. C’était l’affaire de la Baie des cochons. Comme tout grand évènement historique, le Castrisme a eu ses faits et méfaits, ses héros purs et durs, ses escrocs, ses salauds. Castro a décimé ses opposants ou ceux qui pouvaient lui faire de l’ombre. Pour en arriver aujourd’hui, après sa mort, à une situation économique lamentable, destination touristique, et dans la lorgnette des USA qui y feraient bien un retour non désintéressé. Quant à William Alexandre Morgan, son sort montrera que Fidel Castro avait fort peu de scrupules et de reconnaissance, nouveau roi et patron d’un Cuba sous sa dictature totale.
El Comandante Yankee, Aire Libre Dupuis, 32 €
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