Une histoire vraie, exemplaire, de femmes et d’hommes qui sur un plateau empierré entre Lodève et Millau n’ont pas accepté qu’on les chasse pour en faire un terrain de jeu pour chars de l’armée en manœuvre. Le Larzac a été une épopée du début des années 1970, une lutte non violente contre le gouvernement qui voulait agrandir le camp militaire existant à tout le plateau. Ce sont les paysans du Larzac qui ont mené la lutte pendant dix ans comme le raconte parfaitement, objectivement Pierre-Marie Terral l’aveyronnais, prof et historien, associé à Sébastien Verdier le Ruthénois au dessin (Orwell). Il a assuré avec talent la mise en images du récit, panaché de photos d’époque, des grandes manifs. Le Larzac était devenu une cause nationale. Une affaire de résistance paysanne comme l’a dit Pierre-Marie Terral dans l’interview donné à Ligne Claire. Propos recueillis par Jean-Laurent TRUC (qui pendant ces années là à Midi Libre a pu suivre de près les défenseurs de Gardarem lo Larzac).
A noter que Pierre-Marie Terral et Sébastien Verdier seront en dédicaces à la librairie Caumes des Livres de Millau le 22 mars pour la sortie de l’album et à la librairie Maison des Livres de Rodez le 30 mars 2024.
Pierre-Marie Terral, pourquoi reparler aujourd’hui du Larzac ?
Parce que je suis enseignant et historien, j’ai consacré ma thèse au Larzac qui est devenu un ouvrage et j’en ai publié un autre sur le sujet. Les visiteurs l’été sur le Larzac me demandaient de leur raconter cette histoire qui soit compréhensible en quelques pages. J’ai pu aider des documentaristes et j’exerce à Rodez. Plus personne ne connait plus vraiment cette histoire en particulier les moins de 40 ans.
C’est vrai. Vous remettez sur la table un évènement même oublié parfois ici dans le Sud.
Plutôt que de raconter avec des notes de bas de page, avec de belles images cela m’a paru une nécessité. D’autant que chez Dargaud il y avait déjà une BD qui existait sur le combat des Lip à Besançon. J’en ai parlé à Sébastien Verdier que je connaissais comme dessinateur. Il habite à Rodez et finissait un ouvrage avec Pierre Christin. Je lui ai transmis mon idée sans penser que Dargaud accepterait de prendre des risques sur cet album en nous faisant confiance. Ils ont été d’accord pour mêler textes, dessins, photos.
Au début sur le Larzac habitants et nouveaux arrivants se sont regardés en chien de faïence. Petit à petit ils se sont rapprochés. On raconte cette histoire humaine de femmes et d’hommes, c’est à leur hauteur.
Il y a eu aussi un tentative de récupération politique, maoïste post soixante-huitarde mais en fait les femmes et les hommes du Larzac ne voulaient pas être expropriés. Ils se battent pour vivre, travailler au pays.
Gardarem lo Larzac. Ce sont des gens ordinaires qui ont fait des choses extraordinaires. Ils ont été contraints et sont partis de rien, ils ont tenus dix ans et cela a imprégné leur vie.
En 2024, on est loin de tout ça. Quel est le ressenti aujourd’hui ? Des regrets sur place ?
Je me suis intéressé aux « pour » dans mes recherches et aux « contre ». A La Cavalerie il y avait un désir de revanche où on pensait que l’histoire aurait pu tourner autrement. Le Parc Naturel des Grands Causses, le classement à l’UNESCO a mis tout le monde d’accord. Nous, on s’est concentré sur les dix ans de lutte et on a voulu rendre hommage à ceux qui se sont battus et qui ne sont plus là. Plus avec la volonté de transmission et d’héritage, de partage avec les enfants et petits-enfants de ces pionniers.
Il y a un autre élément. Dans ces années 70, les médias qui peuvent rendre compte c’est avant tout la Presse écrite, Midi Libre, La Dépêche, Centre Presse ou des nationaux comme Le Monde, Libé. La télé est d’état sous tutelle.
La TV c’était l’ORTF avec des reportages orientés. La Presse locale a eu un grand rôle comme la Presse alternative, Charlie Hebdo, La Gueule Ouverte.
Les manifs étaient pacifiques mais nombreuses dans un environnement de gens qui y croyait. C’était quand même une autre époque, non ?
Bien sûr. Que ce soit dans la préface de José Bové ou dans les dessins de Sébastien Verdier on a voulu rendre hommage à cette Presse satyrique, à Cabu, au Canard Enchainé. Mais c’est vrai que ce qu’on a retenu du Larzac ce sont les grands rassemblements d’été. Il y a eu aussi la visite de Mitterrand en 1974 pris à partie. Cela l’a rapproché du Larzac. On a voulu raconter toutes ces anecdotes. Sébastien a dessiné de façon remarquable la bergerie de La Blaquière. Il a mis trois ans en travaillant manuellement.
Autre question, l’échec a été évité de peu et donc le camp militaire aurait pu s’agrandir ? Giscard élu en 81, c’était la fin du Larzac.
Les paysans ont été sauvés par le gong. Mais il avait fallu tenir et d’autres étaient prêts à renoncer à la non violence. Le Larzac aurait pu devenir une lutte populaire perdue comme d’autres en France.
On était aussi de jeunes héritiers de 1968. Avec un certain activisme politique.
Il y a aussi l’impact de la fin des guerres coloniales et l’armée a une image contestée, des lois Debré sur la révocation des sursis. Un combat qui ne pourrait pas se dérouler aujourd’hui car tenir 10 ans sans incidents, c’était un miracle.Les agriculteurs étaient très religieux, Dieu était avec eux. Les prêtres étaient là en première ligne.
Il y a de votre part dans ce livre une grande sincérité, simplicité. On comprend, on suit et c’est un acte de mémoire.
Exactement et dans la mesure du possible les propos des personnages sont véridiques et vraisemblables. Il y a une part de fiction.
On sait où est le Larzac mais ensuite son histoire comme cela a bien tourné c’est une vision baba cool avec des chèvres sur le causse.
Les chèvres en fait ont été absentes du plateau. C’est dans les Cévennes. Dans les années 80 se forge l’image de l’écolo barbu du Larzac et au fil des ans il y a eu des militants qui se sont installés dès 1972. Après le Covid dans le sud Aveyron il y a eu des gens venus de l’Hérault qui se sont déplacés.
Ensuite la Légion Étrangère s’est installée.
En 2016, et il n’y a pas eu de suite car les anciens militants étaient âgés. Il y en a eu mais peu nombreux les enfants du Larzac. On pensait à des fermes solaires mais le socle du Larzac c’est la création des offices fonciers sur le plateau. Une gestion collective des terres. Cela maintient l’esprit Larzac.
Si cela n’avait pas été l’armée, est-ce que le devenir du Larzac aurait été différent ?
Difficile à dire. L’armée a été rejetée car on est encore proche de la Guerre d’Algérie. Donc ça a joué les paysans face aux chars. Un projet nucléaire aurait pu être combattu mais on n’a pas d’eau. C’est une uchronie. Les militaires ne réclamaient pas tous ce camp, c’était une décision politique.
Le Larzac pouvait fournir un électorat supplémentaire pour une élection. Mitterrand l’a compris.
Oui, ce n’est pas un hasard si il vient après avoir perdu contre Giscard en 74. Il assumera le rejet de l’agrandissement jusqu’au bout même contre l’avis de son ministre de la Défense Charles Hernu après 81.
Une forte pagination, très illustré, vous allez diffuser Larzac sur le territoire concerné, Millau, le Languedoc.
J’espère que Dargaud le fera. On a été contacté par des associations, des librairies. C’est une BD militante mais universelle qui peut intéresser un large public. Il faut transmettre. Je me suis intéressé au Larzac à travers Gandhi et la non violence. J’ai voulu comprendre ce qui s’était passé dans ma région. Le succès du Larzac c’est d’avoir plus d’agriculteurs qu’en 1971 et où on vit de son travail. La gestion collective des terres ne met pas le Larzac dans la situation de crise de l’agriculture que l’on connait ailleurs. La terre est louée mais ils partagent la lutte contre les grands groupes industriels. Tout en ayant toujours été force de proposition comme pour les circuits courts. Il y a une résistance paysanne et on a insisté sur ce titre. Cela dit il y des aspects du Larzac comme la collectivisation qui intéresse des mouvements comme Notre-Dame-des-Landes.
Sauf qu’il y a aussi une ultra violence qui n’a pas existé sur le Larzac.
Je parle de ceux qui veulent vraiment garder la maîtrise de la terre. Imaginez que les réseaux sociaux aient existé il y a 50 ans. L’écologie au début n’était pas en première ligne. En 1977 il y a eu Dumont, puis Lalonde, Voynet passent par le Larzac. Pas mal d’élus écolos en ont pris conscience avec le Larzac.
Et après le Larzac ?
Je suis enseignant et j’ai sorti un livre pour enfants illustré sur l’Histoire de l’Occitanie. Je pense qu’on retravaillera avec Sébastien sur un sujet d’histoire politique et sociale. Moi j’ai un sujet sur le destin du footballeur hongrois Puskas mais je cherche un dessinateur.
Larzac, histoire d’une résistance paysanne, Dargaud, 23,50 €
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