Un péplum mais qui ne se limite pas aux péripéties classiques du genre. Avec Imperium, on va au plus près de la volonté de pouvoir total qu’un général romain, Sylla, au demeurant futur réformiste et dictateur, diplomate doué, va mettre en œuvre pour s’assurer un futur sans encombres. Mais à quel prix. L.F. Bollée a largement romancé l’épisode le plus connu de la vie de Sylla, sa victoire mesurée contre Mithridate en Grèce, 85 avant JC, sans oublier toutefois son autre victoire plus jeune contre Jugurtha. Politique dans l’âme et manipulateur, Sylla va pourtant sous la plume de Bollé tenter de soutirer au roi du Pont un de ses mystères. Un dessin très posé de Régis Penet qui a signé aussi dans Roma de Convard, Adam et Boisserie, donc se retrouve en terrain connu.
Quand il fait arrêter Mithridate qu’il vient de battre en Grèce, Sylla veut qu’il lui donne son médecin, Narcés, qui lui a permis par ses potions de résister à toute tentative d’empoisonnement. Sylla envoie ses gardes du corps récupérer le médecin bossu. Pour Sylla c’est Rome qu’il doit conquérir et Narcès peut l’y aider en le protégeant. Non loin du camp de Sylla on retrouve dans une grotte une momie et des rouleaux sur lesquels figurent des textes. Sylla confie le tout à un grec Damianos, pendant que Narcès lui prépare sa première potion tout en le prévenant des terribles effets secondaires. Car ce sont des poisons à faible dose que va boire Sylla. En partie défiguré Sylla s’en sort mais Julius, un de ses gardes est égorgé. Sylla, abattu, part dans la campagne et rencontre une jeune et belle bergère, Eyla, à qui il dissimule son identité quand arrive son frère aveugle. Il tombe amoureux de Eyla.
L’hypothèse d’un Sylla qui pourrait laisser tout tomber pour les beaux yeux d’une grecque est séduisante mais peu crédible quand on connait les ambitions du général dès son plus jeune âge. Personnage très complexe, à la fois réformateur, politique doué, il n’aura pas un destin tragique comme après lui César. L’idée de l’identité de la momie est aussi astucieuse mais le sort que Sylla lui réserve est difficile à croire pour un homme pétri de culture grecque et surtout trop rapidement acté dans l’histoire. Dommage. Au total on est dans un divertissement qui fait découvrir un personnage d’exception, certes très ambitieux, et auquel on a ajouté un environnement qui lui donne un rôle différent de la réalité mais attirant.
Chic, enfin une BD sur Rome qui traite un personnage moins en vue sur les étals des librairies que les éternels César, Spartacus et consort! Mais quelle déception: tout ça pour ça! Et puis, si l’on fait abstraction de la fiction, pas très crédible, restent quelques erreurs: il semble que la BD donne au mot « dictateur » un sens qu’il n’avait pas alors, puisqu’il s’agissait d’une magistrature. Sylla n’a jamais été dictateur à vie! Après deux ans passés à remettre l’Etat sur pied avec brutalité (les fameuses proscriptions), il a abandonné son pouvoir volontairement, une fois la tâche accomplie, comme il s’y était engagé. Felix est une qualification qu’il s’était attribuée après sa seconde prise de Rome, sans doute pour faire oublier le succès d’un jeune Romain plein d’ambition lui aussi, Crassus, vainqueur de la bataille de la porte Colline devant Rome. Donc en 85, il ne se faisait pas appeler Felix. En outre, Sylla aimait avant en vérité les hommes, pas les bergères, fussent-elles philosophes! Et ces chars ennemis équipés de faux: jamais entendu parlé de cela, sauf dans les mauvais films… Bref, je suis un brin déçu! Trois étoiles, pas plus!